Ceci est un texte que j'ai découvert dans mes archives. Il est vieux de dix ans: j'ai eu envie de le remettre ici: j'avais écrit sur les différentes maisons ou lieux que j'ai habités
Ma
première maison est le ventre de ma mère. Des moments cruciaux pour tout être
humain, et pourtant personne n'a de souvenirs de cette période intense, du
moins conscients... C'est étrange quand on y pense...
Quelles
ont pu être mes sensations, mes perceptions au cours de ces neuf mois durant
lesquels je me suis formée en décidant d'être femme? La coquille vibrante,
vivante du ventre de ma mère fut-elle pour moi un cocon rassurant, bercé de
paroles douces et de caresses tendres?
Ce
ne fut pas vraiment le cas…
Conçue
en pleine guerre, dans une atmosphère
d'angoisse diffuse et omniprésente, dans les couvre feu obligatoires, les
sirènes tonitruantes suivis des bombardements, toujours inattendus...
Conçue
deux ou trois ans après une fausse couche tardive (du moins d'après les
confidences que papa m'a faites un jour... mais les ai-je rêvées? Parfois je me
le demande!). Quand on perd un bébé en gestation, puis qu'on en attend un autre
à nouveau, qu'est-ce qui prévaut? La joie d'être enceinte? Ou la peur de perdre
une fois encore l'espérance d'un nouvel enfant?
Et
puis, faisais-je partie d'une grossesse gémellaire, comme une séance de
kinésiologie m'en a donné la révélation dans une crise de larmes dont
l'intensité m'a surprise? En pensant à mon attirance de toujours pour les
histoires de jumeaux (lues chez d'autres ou écrites moi-même), pour les
aquarelles, peintures et photos de jumeaux, je pense que ces larmes, ce n'était
pas une simple crise d'hystérie, comme je me le suis dit souvent par après,
doutant de cette révélation qui, il faut le reconnaître fait un peu partie d’un
phénomène de mode. Mais si c'est la réalité, alors... quand ma jumelle (car il
ne peut s'agir que d'une jumelle) s'est fondue dans le rien, comment ai-je vécu
cette perte ? En ai-je fait le deuil? Ai-je été capable de bouger pour
signaler ma présence, mon désir de vivre? Ou au contraire me suis-je tenue
tranquille? Surtout ne pas me faire remarquer, ne pas déranger, vivre en
cachette. En écrivant ces mots qui me viennent spontanément, je pense que oui,
malgré ma fougue, mon tempérament ardent, je me tiens si souvent
"tranquille" pour ne pas déranger, pour m'effacer..
Donc
angoisse intérieure dans ce ventre. Angoisse extérieure d'une future mère, vécue dans les affres d'une
guerre, obligée de se battre au quotidien pour la nourriture, craignant pour sa
vie, pour celle de son premier fils et surtout pour celle de son mari?
Comment
grandit un futur bébé environné d'angoisse dès les premiers jours de sa
conception, marqué peut-être du sceau de la culpabilité (ai-je chassé, tué
peut-être cette autre qui habitait le même ventre que moi? Aurais-je été à ce
point jalouse, réclamant ce ventre pour moi toute seule?)
Oui
j'ai gardé au fond de moi et à jamais je crois, l'empreinte de cette angoisse
primitive. Je suis en effet une femme anxieuse, qui tremble et redoute trop de
choses, trop et trop fort! Qui à son tour, aura transmis bien des peurs
irrationnelles aux bébés qui à leur
tour, ont grandi dans son ventre.
Adulte,
je n'aimais pas regarder ma mère en pensant que j'avais grandi en elle, que
j'étais née de ses entrailles, que j'avais forcé le passage de ses organes
génitaux. Il y avait trop de carence affective entre elle et moi... C'était
comme si je ne reconnaissais pas la maternité de ce ventre, comme si je
préférais penser que j'étais née de nulle part...
A suivre (peut-être)