Je la regarde, assise à la table de la cuisine, droite, hiératique, les yeux perdus dans le vague de son absence. Comme à son habitude, elle ne regarde rien ni personne, elle s'entoure de sa solitude
Je la regarde je la regarde, encore et encore, je guette la faille, le moment où elle posera son regard sur moi, comme une invitation
Soudain l'inattendu ou le trop attendu: effectivement ses yeux comme par hasard se posent sur moi, et s'y accrochent un moment. Un moment de résurrection. Ses yeux soudain me donnent la vie.
Je la regarde timidement, j'espère j’espère
J'espère qu'elle me fera un signe de rien, un signe de tout
Ses yeux à la fois fixés sur moi, mais déjà au delà de moi, comme s'ils voyaient en transparence s'animent plus encore, et ses bras déposés sur ses genoux se lèvent lentement
Lentement.
Ses bras s'arrondissent et semblent appeler l'enfant que je suis, affamée
Affamée non pas de pain, mais de tendresse, rien qu'un peu qui me nourrirait pour aujourd'hui seulement.
Ses bras se font berceau et m'attirent irrésistiblement, je crois comprendre leur appel
Leur appel... incroyable!
Je viens vers elle, et me glisse par dessous le collier précieux de ces bras prêts à m'aimer
M'aimer..
Je tremble, c'est beau ça me gonfle le coeur
Je suis dans le collier d'amour, je regarde ses yeux...
Ils sont retournés dans leur univers inaccessible, loin de moi loin de moi
Dans un univers de frayeur de méchants loups, où ses yeux pleurent sans pleurer
Je la regarde perplexe, pleine de questions
Qui est cette mère qui m'appelle en même temps que ses yeux me repoussent déjà ?
Ses bras me serrent m'enserrent. Ils m'enserrent me serrent, jusqu'à m'étouffer, j’étouffe, je manque d'air il faut que je m'échappe je suis en train d'y laisser ma vie
Je me dégage avec violence, elle ne réagit pas, je fuis je m'enfuis, j'abandonne cette femme absente
oh! si absente!
Sans yeux pour me regarder avec amour.
Et ses bras sont retombés rigides sur ses genoux
Puis dans un effort violent je me réveille, je pleure
Je rassemble mes esprits et je me remets à vivre
A ceux qui me connaissent en réel et qui me lisent (souvent en silence) ceci est un texte de fiction. DE FICTION. Rien de plus
Mais rien de moins non plus!