J'aime l'automne...
Je l’aime justement parce que, même si on ressent encore les derniers sursauts de l’été qui finit, au
point de croire que rien ne change, ni ne changera jamais, on sait bien qu’on
passera à autre chose qui aura aussi sa part de nouveauté, et qui sait ?,
de bonheur!
J'aime l'automne pour ses féeries de couleurs
et le soin patient avec lequel il se met à déguiser les arbres, leur prouvant
qu’il y a moyen de modifier la monotonie des paysages parfois trop uniformément
verts et submergés par les herbes devenues trop sûres d’elles.
Je l'aime pour les balades que l'on peut faire
d'un bon pas, sans avoir peur d'avoir trop chaud, en respirant l'odeur des
feuilles sur le sol parfois boueux, j'aime les marrons tout ronds que l'on ramasse
comme des porte bonheur et qui s'en viennent gonfler les poches : il
paraît que les marrons de l'année sont bons pour les rhumatismes. On a toujours
dans tous les coins de son corps, jeunes ou plus âgés, de vieux rhumatismes à
soigner...
Je l'aime pour les feux de bois qui crépitent
dans les cheminées, rassemblant les familles dispersées par l’été. Autour du
feu, il se dit bien souvent des choses essentielles, que permettent les regards
centrés sur les flammes vivantes et chaleureuses.
Vivre l’automne, c’est se préparer à l’hiver,
et faire la fourmi prévoyante : il y a ainsi de vieux tiroirs oubliés
qu’on ferait mieux de ranger, il y a de vieilles querelles qu’on ferait mieux
de vider, il y a les jours morts qui s’annoncent, qu’on ferait mieux de
regarder en face. Il y a la pluie comme aujourd'hui, le vent, la grisaille...
Pendant l’automne, joie et nostalgie s’entremêlent, inextricablement
Mais un jour, il faut bien se rendre à
l’évidence, l’hiver s’annonce, puis envahit
tout. On entre dans un long temps d’hibernation obligée ou décidée. Ce
sont des moments de repli sur soi-même, où l’on s’applique à soigner ses
petites et grandes blessures. Ce sont
parfois des moments de grande aridité, des moments où l’âme est veuve de ses
amours, de ses espérances, de ses illusions, de ses désirs de printemps, où elle avance à tâtons sans trop
savoir ce qui l’attend au tournant de sa route sans fleurs, sans soleil, dans
un froid qui l’étreint et l’angoisse.
Est-ce un repos salutaire ou le début du
mourir ? On ne sait pas trop, et si on a du courage, on continue sans
comprendre. Et si on n’en a pas, ou moins, on continue quand même, car on
décide de rester dans le train des vivants qui espèrent, envers et contre tout.
Pendant l’hiver, on se retranche et c’est
bien ainsi, on se rassemble au plus profond de soi-même, on dort davantage et
on écoute ses rêves, on contacte son plus essentiel même s’il faut pour cela
accepter de se laisser écorcher, de se laisser arracher ses vieilles peaux
successives, qu’il faut bien un jour abandonner
photo Coumarine