Je me souviens...
c'est le dernier jour de mon hospitalisation... il est 19 heures, ma petite valise est faite, j'attends qu'on vienne me chercher.
Je me cramponne de toutes mes forces à l'ample vue sur les arbres que je vois de la fenêtre de ma chambre de clinique. Je suis impatiente, évidemment. Je compte les minutes...
Je suis seule dans la chambre depuis 16h de cette journée; un peu de silence, une relative solitude, j'aime
Soudain un lit s'amène, et dessus un petit corps tassé, relié à des perfusions...
Pas envie, non pas envie de devoir affronter encore, même pour une heure, une souffrance qui s'ajoute à la mienne... je détourne mes yeux (enfin! façon de parler!!) de cette vieille petite forme sans réaction. Je supplie intérieurement qu'on vienne me chercher sans plus attendre...je n'ai plus de courage!
Arrivent deux infirmières qui s'affairent autour de la forme amorphe sur le lit
Malgré moi, je me me mets à écouter ce qui se passe
Une infirmière "de par chez nous" et une infirmière africaine se penchent avec des mots doux et tendres sur la personne âgée tombée dans sa maison de retraite et arrivée ici en urgence
Calmement on lui,parle, on l'interroge, tout en examinant les dégâts sur son corps...
On lui pose de ses questions auxquelles toute femme peut normalement répondre:"des enfants..., vous avez des enfants?"
Silence, ça se tait dans le lit
Mais elles continuent à lui parler, à éveiller si possible son attention, pas à parler au dessus d'elle, comme si elle n'était qu'un paquet auquel il fallait donner des soins
Les urgences avaient averti: "elle ne dit rien... elle n'a pas sa tête"
Patiemment les deux sont restées auprès d'elle, et tout en la lavant, tout en la TOUCHANT, elle ont continué à lui poser de simples questions... avec une sorte de tendresse pour la personne...
Et soudain, le miracle, la forme s'anime et dit doucement, que oui elle a une fille, et une petite fille, et oui, elle connait le nom de la clinique dans laquelle elle vient d'échouer...et oui elle est tombée et s'est fait très mal...
La vie s'est mise à s'animer en elle, alors qu'au départ tout semblait "mort", inerte...
J'ai regardé les deux infirmières avec une énorme admiration: elles ont réussi un miracle rien que par un toucher et des paroles rassurantes, à côté des soins indispensables qu'elles ont donnés
Je sais que tout n'est pas rose et violette dans les milieux hospitaliers: on manque cruellement de personnel infirmier, qui doivent souvent parer au plus pressé, privilégiant l'acte médical à l'approche simplement humaine.J'ai eu affaire moi-même à des grincheux que je semblais déranger, en osant appeler
Je sais cela... et pourtant je sais aussi que des petits miracles existent aussi
Acte gratuit, qui n'aura été vu et évalué par personne...juste moi, une humble patiente qui garde ce moment au chaud dans mon coeur