Il allait comme cela, de ville en ville, depuis
bientôt cent ans. Condamné à errer, condamné à chercher.
A peine arrivé dans un coin fréquenté d’une grande
ville, en quête d’un peu de chaleur, d’un sourire, ou simplement d’un morceau
de pain, quelque chose le poussait à repartir sur les routes, persuadé qu’il
trouverait ce qu’il cherchait, ailleurs, autre part, plus loin, sans doute
beaucoup plus loin. Là où il se trouvait, ce n’était jamais le bon endroit.
Il était maigre et décharné, hirsute et sale, il
faisait peur aux enfants, et les mamans
avaient toujours l’air d’être pressées de partir, quand il s’approchait d’elles
et de leurs petits qui jouaient.
Condamné à errer
depuis cent ans déjà, le vagabond était aussi condamné à vivre. Bien des fois,
il aurait voulu s’endormir pour toujours sur le banc d’un jardin public, à la
faveur d’une nuit de gel. Il avait essayé plus d’une fois. Hélas le lendemain
matin, il se réveillait, fatigué peut-être, transi de froid c’est évident, mais
vivant, bien vivant.
Cela va sans dire
que son errance, il l’avait méritée. Autrefois Prince fier et séduisant, il
avait dédaigné l’amour d’une jeune fille belle comme un jour d’été, pour la
simple raison qu’elle était née dans la rue, de parents pauvres qui l’avaient
abandonnée. Elle avait grandi comme une fleur qui pousse entre deux pavés et ni
le gris de la ville, ni les lumières artificielles n’avaient terni sa beauté et
sa bonté. Éperdue de douleur d’avoir été ainsi rejetée par le Prince, la jeune
fille s’était un jour enfuie très loin, dans la nuit des temps, au bout du bout de
l’univers des hommes.
c'est loin le bout du bout de l'univers des hommes... mais peut-être que le bout du bout de l'univers des femmes.... de celle qu'il aimait... Qui sait?
Chouette nouvelle qui fait penser à la fois à "lAmant sans domicile fixe" et à l'allégorie du Juif errant.
RépondreSupprimerChouette brève nouvelle.
je ne connaissais pas "l'Amant sans domicile fixe. je suis allée m'informer et ce livre me tente...
SupprimerMerci de me le renseigner!
Tiens c'est curieux, avant de lire le commentaire de « le goût » les termes "condamné à errer" m'avaient fait penser au mythe du juif errant.
RépondreSupprimerC'est un petit conte assez parlant… cette éternelle quête d'un ailleurs, d'un bout du bout où l'on trouverait… mais quoi donc au final ?
Et puis cette croyance qu'il y a « quelque chose que l'on doit racheter », quelque chose ou quelqu'un. Et l'enfermement définitif dans l'impossible réparation.
Culpabilité quand tu nous tiens !
Parfois, Coumarine, tu as de ces petits textes… qui en disent long… très long !
mes textes en disent long, mais la plupart du temps sous forme de métaphore! Alors comprenne qui pourra!
Supprimer;-)
On n'est jamais bien quelque part…..Mais on n'est jamais bien dans sa tête !! Partir pour être mieux ailleurs ?
RépondreSupprimerHélas, partir ne change rien, on a toujours le même sac à dos, il n'est jamais vide et on ne peut le jeter aux orties.
SupprimerFaut apprendre à vivre avec sa cervelle...
comme dit le goût partir sans cesse, c'est fuir, sans cesse aussi; avec toujours le même sac à dos, d'ailleurs de plus en plus lourd
SupprimerBien sûr que Laquedem a été une évidence dès la première ligne... mais en faire un prince errant, quelle trouvaille !
RépondreSupprimerCeux qui connaissent "le juif errant" peuvent immédiatement faire le rapprochement!
SupprimerCette route désertique qui part loin devant m'a fait penser à une quête sans fin; une quête de cent ans!
Allégorie mystérieuse de la condition humaine...Condamné à errer pour avoir refusé l'amour.
RépondreSupprimerUn de tes très beaux textes, Coum 🖤
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
refuser l'amour est une chose
Supprimerfaire souffrir en est une autre, bien plus grave
Merci Célestine pour ton appréciation!
ne pas aimer qui vous aime ...on n'y peut rien les sentiments ne se commandent pas... Mais ne pas aimer parce-que l'on méprise la condition de pauvreté de l'autre ...alors on mérite de vivre 100ans dans l'errance...seul !
RépondreSupprimervoilà! bien résumé
Supprimerje suis bien d'accord avec toi!
Le genre de texte que j’aime !... bien fait avec un élément de réflexion important ! C’est un classique que celui qui cherche ailleurs ce qui se trouve chez lui ! kéa
RépondreSupprimerah kéa... ton passage ici me fait toujours grand plaisir
SupprimerTu le sais j'aime écrire sous forme de métaphores...;-)
Bravo !
RépondreSupprimerMoi aussi, j'ai pensé au Juif errant ; je ne connais pas L'amant sans domicile fixe. Ceci dit, l'herbe n'est pas plus verte ailleurs : elle est plus verte là où elle est arrosée.
" l'herbe n'est pas plus verte ailleurs : elle est plus verte là où elle est arrosée."
SupprimerCela semble évident et pourtant c'est souvent oublié: arroser demande un effort
Merci Passion Culture
Tu as tellement de talent... cela me frappe. De pénétration- dans un texte à l'origine simple... un joyeux devoir du lundi. Et tu le transformes en pépite...
RépondreSupprimerohhhhhhh merci chère Pivoine!!! ;-)
SupprimerBonjour,
RépondreSupprimerun texte très sympathique qui nous laisse un peu sur notre faim, mais il faut bien une fin.
On peut penser en le lisant au "Hollandais volant", le vaisseau fantôme de Wagner, issu d'une légende nordique.
Et à son capitaine, condamné à errer éternellement sauf si, autorisé à accoster tous les 7 ans, il obtient alors l'amour indéfectible d'une femme...etc...