Il
y a des paquets de pommes sur la table. Il y a aussi des paquets d’épluchures, entassées
par petits tas sur des journaux éparpillés.
Le
ballet des couteaux bat son plein.
Et
hop, la casserole thésaurise un à un les quartiers dénudés des pommes qui ne
sont plus des pommes.
La
casserole est grande et à bords hauts pour qu’aucun quartier ne s’avise de
fuguer.
Condamnés
tous à la compote, c’est leur destin obligatoire…
Autour
de la table, toutes les femmes de la famille, championnes des gestes
ordinaires.
Leurs
mains dansent et virevoltent le fastidieux ballet des pommes
Il
y a une femme très très âgée. Elle est assise et regarde, ses mains rêvent, son
regard plane…il est ailleurs, peut-être déjà de l’autre côté du temps…
Il
y a une femme qui a des envies de couteau : elle tranche dans le vif de la
chair de la pomme vulnérable. Cette femme déteste la pomme. Elle la condamne
sans pitié à une fin minable, une fin de désintégration dans le fond d’une
casserole. Cette femme a des besoins de colère. Et la pomme le sait qui se
cabre et s’écrase à terre…
Une
autre femme prend une belle pomme rouge dans le berceau de ses deux mains. Elle
est amoureuse de la pomme. Elle la porte à la bouche, elle la respire, les yeux
fermés. Cette femme a faim et pas seulement de la pomme…
L’enfant
qui dessine, le petit Simon se lève brusquement et empoigne dans un éclat de
rire, trois ou quatre quartiers qui attendent résignés leur fin programmée. Il
est drôle : ses joues sont gonflées par les morceaux trop grands. Les
femmes s’attendrissent. La mère est fière de son petit bout d’homme…
Et
elle caresse rêveusement son ventre qui semble abriter une promesse vivante…
L’homme-fils-adoré
entre dans la pièce. Les têtes se lèvent un bref moment avant de replonger dans
le travail rythmé par les bavardages. Il va vers la dame très âgée. Il
l’embrasse doucement sur le front. Et sa main s’attarde en caresse légère. Le
châle crocheté blanc glisse… L’homme se penche, le ramasse et le replace sur
les épaules fatiguées.
Un
instant d’hésitation : il se décide et se tourne vers la femme qui pèle
rageusement les pommes indociles et jalouses. C’est la voleuse de fils adoré,
qui pleure dans l’indicible la souffrance d’être négligée…
Ceci est une petite fiction pour me faire plaisir... ;-)
Ah, les réunions de famille !
RépondreSupprimeroui! Il y en a des vertes et des pas mûres!
SupprimerPetit traité de psychologie domestique à base de pommes !
RépondreSupprimerExcellent !
merci Alain pour l'excellent!
SupprimerQuant à savoir si c'est de la psychologie (domestique), seul un psy peut me le dire ;-)
Superbe étude psychologique que ce huis-clos autour des pommes, le fruit de la discorde et de la tentation des femmes. Qui est la reine des pommes ? sans doute celle qui se laisse humilier par la reine-mère sous prétexte qu'elle lui a volé son trognon adoré... ;-)
RépondreSupprimerBravo Coum.
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
finalement je pense que pas mal de femmes peuvent se reconnaître dans l'une ou l'autre de ces femmes: l'amoureuse ou la rageuse, sans oublier la reine-mère qui, même si elle ne fait plus rien d'autre que rêver, est toujours bien présente
Supprimer(tiens au fond, pourquoi l'enfant dont je parle est-il un garçon? Curieux, non?
Merci Célestine...
Aujourd'hui, ici, jour de compote : je penserai aussi à toutes les femmes qui sont autour de la table de la cuisine dans nos souvenirs.
RépondreSupprimerBonne journée.
Eh bien, bonne compote...
SupprimerIl y avait pas mal de pommes dans nos jardins cette année...
Belle journée à toi aussi...
Une belle atmosphère de pommes !( sans Adam et Eve !!)
RépondreSupprimerSens-tu l'odeur de la compote sur le feu?
SupprimerCa sent bon, non?
Texte tout en subtilité, le bonheur de lecture de la soirée.
RépondreSupprimermerci Nicole, merci!
SupprimerIl est excellent ce texte... du Coumarine pur jus... de pomme. J'aime beaucoup. Tout. L'atmosphère, les personnages et... les pommes.
RépondreSupprimermerci chère Pivoine pour ton chaleureux commentaire
SupprimerAimes-tu les pommes? car moi je préfère les poires ,-)
La pomme est depuis la nuit des temps un bel objet de substitution à l'âme humaine.
RépondreSupprimerLa première histoire de pomme ne date pas d'hier...
c'est vrai! et cette première histoire de l'humanité fut tragique pour l'humanité (enfin... s'il faut en croire un certain livre qui la raconte...!)
Supprimereuh.... cette première histoire de pomme...!
Supprimertsss... Moi je lui aurais collé un économe dans les mains, à l'homme-fils, qu'il se rende utile, tiens!
RépondreSupprimerAs-tu lu "En tenue d'Eve" de Delphine Horvilleur? Elle y explique très bien comment le syndrome de la pomme, fruit défendu qui a fait d'Eve une pécheresse, arrive suite à une erreur de traduction latine... Passionnant!
♥
le fils adoré est le roi de la maison et se laisse servir, voyons! (J'en ai vu de ces spécimens ;-))
SupprimerNon je n'ai pas lu ce livre, je ne connais pas l'auteur dont tu parles... mais je m'informerai, cela m'intéresse bcp!
Merci Sylvie
La voleuse de fils-adoré n'a pas le meilleur rôle, et faute de pouvoir dire sa colère, elle se venge sur les pommes...
RépondreSupprimerBref, une histoire de pommes et de famille. :-)
J'aime les pommes (cuites) et les poires (en tarte, en jus ou en compote...)
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