mercredi 30 octobre 2019

C'est la première fois qu'elle me fait de la peine

"Maman est morte ce matin et c'est la première fois qu'elle me fait de la peine"

Ce sont les premiers mots du nouveau livre de Eric-Emmanuel Schmitt "Journal d'un amour perdu". Schmitt raconte les deux années qui ont suivi la mort de sa mère.

Je suis perplexe autant le dire!
Oh bien sûr, son écriture est superbe, puissante, fluide sans avoir l'air d'être "travaillée" et c'est cela qui est magnifique. Elle coule de source.
Mais... 
C'est le thème du livre qui m'a plongée dans la perplexité: un amour fou l'a toujours lié à sa mère, un amour total fait de compréhension mutuelle, de dialogue, d'heures de conversation et d'échanges.
Il a aimé sa mère énormément, incroyablement, de manière inimaginable. Il semble qu'elle n'avait aucun défaut, aucune lacune, elle était parfaitement, profondément aimante!

Pas comme son père contre lequel il s'est rebellé dès l'enfance. Jusqu'au bout d'ailleurs, il a espéré trouver dans les carnets de sa mère après sa mort, la preuve que cet homme n'était pas son père. Puis, lorsque le père a eu un AVC qui l'a rendu paralysé dans les dernières années de sa vie, il a commencé avec lui un chemin d'apprivoisement et même d'affection.

Je pense que pas mal d'enfants rêvent qu'ils ne sont pas les enfants de leurs parents; pendant mes années d'adolescence, j'en fus persuadée: ce n'était pas possible que je sois leur fille, nous étions tellement différents! Une amie à qui j'en parlais ce matin m'a dit la même chose et je crois que nous ne sommes pas les seules!

Je n'ai pas compris cet amour incroyable de EES pour sa mère: à la limite je le trouve démesuré, quasi "anormal": mais bon on est chacun différent!
Et en même temps j''éprouve une certaine envie: il a de la chance d'avoir eu une mère qu'il a aimée à ce point. Moi je n'ai pas aimé ma mère, et même il m'est arrivé de la détester. Je me suis dévouée pour elle, dans les dernières années de sa vie, j'ai rempli mon devoir de fille, mais je ne l'ai pas aimée!
Quelque chose m'a manqué que je découvre avec un certain étonnement: cet amour perdu dont parle abondamment EESchmitt, je ne l'ai pas connu!


27 commentaires:

  1. je partage ton sentiment
    (et oui moi aussi dès mes 11-12 ans je me suis dit que j'étais probablement une enfant trouvée, que c'était la seule explication possible au désamour de ma mère ;-))

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    1. merci Adrienne d'être venue me dire que tu partageais ce sentiment qui semble "condamnable" à savoir ne pas aimer sa mère, la supporter avec dévouement les dernières années de sa vie!
      Elle me critiquait à tout propos: mes vêtements, ma coiffure, ma personne elle-même!
      Se construire à travers ça, n'a pas été une affaire simple

      Et je lis le livre de EES avec grande curiosité, et en même temps rejet de ce qu'il dit, me demandant "c'est comment quand on est aimé par sa mère, et c'est comment quand on l'aime de cette manière, si intense!

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  2. J'aurais pu écrire le dernier paragraphe ; en remontant plus loin, je crois que lorsque, bébé, je refusais le biberon, c'est d'elle que je voulais m'éloigner. Et pourtant un étrange sentiment de paix m'a envahi lorsque j'ai passé un long moment seule avec elle après sa mort. Pour autant la blessure saigne encore souvent et fort de ne jamais avoir été aimée pour ce que je crois être. J'avais une seule fonction : faire d'eux des parents puisque mon frère était mort, j'ai obéi jusqu'à l’anéantissement.

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    1. ton témoignage me touche fort chère nicole!
      Oui quand on se croit "obligé" de remplacer un frère ou une soeur morte, on ne peut plus être un enfant comme tous les enfants!
      Il aurait fallu que tes parents (ta mère) te rassurent, te disent que telle que tu étais, tu serais aimée
      Mais dans ce temps peu d'adultes savaient ces choses...
      (je n'ose pas le dire, mais sur son lit de mort, quand j'ai été sûre que personne ne se trouvait dans la pièce, j'ai secoué ma mère décédée, je lui ai fait à haute voix les reproches que je n'avais jamais osé lui dire... honte sur moi...

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    2. Il n'y a pas de honte à avoir, ça ne lui a pas fait de mal, et ça t'a fait du bien. Dire les choses, les exprimer, c'est une façon de s'en libérer ♥

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    3. rien à faire j'ai quand même un peu honte quand je pense à ça!
      Mais bon, j'ai aussi tourné la page quand même
      Merci à toi d'être revenue!

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  3. Peut-être que l'amour des garçons pour leur mère est différent de l'amour des filles pour leur mère...
    Peut-être.
    J'ai des exemples autour de moi, mon père, mon frère...

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    1. en tout cas l'amour de EES est je trouve disproportionné et sans doute névrotique. En tout cas c'est mon avis!

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  4. On dirait qu'il existe chez certains êtres une sorte d'innocence du sentiment, au sens d'ingénuité, qui les amène à penser que leur mère (mais ça peut être le père) est immortelle. Et quand la mort arrive, fatalement, puisqu'elle est dans l'ordre des choses, le fils ou la fille se bute dans la peine et la douleur comme un enfant déçu.
    La mort des parents nous intronise au statut d'orphelins, d'enfants de morts, et j'imagine que ça peut perturber ceux qui ne s'y sont pas préparés un tant soit peu, et qui ne s'attendaient pas à n'être plus l'enfant de qui que ce soit...
    Et puis peut-être aussi, vient se profiler une peur orpheline devant le cours du temps... L'enfant est devenu grand, et la mort lui rappelle qu'il est le suivant...
    Je dis tout ça je ne sais pas, évidemment.
    Sinon, je suis comme toi, les mères fusionnelles me mettent mal à l'aise. Fils ou fille, l'enfant ne doit pas être le tout.

    Enfin, les mères ne sont pas des icônes intouchables, et on a le droit de ne pas aimer la sienne, même s'il est souvent mal vu de le dire. Et on a le droit aussi de s'en éloigner. Parfois, c'est même salvateur.

    Je t'embrasse.

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    1. "Enfin, les mères ne sont pas des icônes intouchables, et on a le droit de ne pas aimer la sienne, même s'il est souvent mal vu de le dire. Et on a le droit aussi de s'en éloigner. Parfois, c'est même salvateur."
      Merci pour ces mots!

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  5. J'ai lu aussi ce livre et moi aussi j'ai trouvé cet amour exagéré, à la limite agaçant à lire à la fin. Je me suis dite : souvent ces garçons qui aime tant leur mère, deviennent homosexuels... Je n'ai rien contre les homos. C'est un simple constat.
    Moi j'adorais ma mère . Quand elle partait en vacances avec mon père je décomptais les jours jusqu'à son retour.Enfant je craignais mon père mais adolescente et adulte il m'a bien guidée et encouragée dans mes études et mes désirs que grâce à lui j'ai pu réaliser. Ainsi mes deux années à 18 ans,au Rwanda .Hier j'ai été fleurir leur tombe et j'ai pensé Merci Papa Merci Maman.

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    1. c'est vrai Charlotte, j'ai été agacée, et j'ai eu de la peine à terminer la lecture du livre...
      tu écris:
      "Moi j'adorais ma mère . Quand elle partait en vacances avec mon père je décomptais les jours jusqu'à son retour."
      Tu vois je ne comprends pas cela! j'ai l'impression que tu parles une langue étrangère qui ne me sera jamais accessible!
      Ce n'est que depuis peu, quand j'ai compris sa souffrance en tant qu'enfant, qu'un début de réelle compassion et compréhension sont nées en moi!
      Merci Charlotte pour ton témoignage

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  6. Apparemment, d'après ce que tu dis, on est dans l'idéalisation totale de la mère parfaite. Autrement dit dans une sorte de projection fictionnelle qui ne peut que partiellement correspondre à la réalité. Probablement que l'auteur a besoin de cette forme pour « faire survivre » une morte, qui fut sa mère.
    Ayant connu certains de ces spécimens de par mon métier, je ne lirai pas ce livre. Je suis en retraite !
    Il m'aura fallu pas mal d'années avant de déclarer paisiblement et réalistement : « je n'ai jamais eu aucun sentiment d'amour envers ma mère, et c'est tant mieux ». C'est le temps qu'il m'aura été nécessaire aussi pour zigouiller ce surmoi : « tu DOIS aimer ta mère et tes parents, sinon… » sinon quoi ?... Bah rien ! Je n'aime pas ma mère. C'est un constat. Et je suis toujours là, bien en vie.
    Y est-elle pour quelque chose ? Bien évidemment !
    En revanche, je trouve que cette femme était admirable, qu'elle a eu un parcours difficile, a surmonté bien des épreuves, y compris de voir son fils entièrement paralysé, (remarque, c'est quand même un peu de ta faute chère mère si j'ai « choisi » le virus de la polio…). Tous les gens de son entourage lui trouvaient de grandes qualités. Ils avaient raison. Tout du moins lorsqu'elle était « en bon état psychique », ce qui était loin d'être l'ordinaire…
    Elle avait plusieurs failles, dont une dans laquelle je suis tombé : elle ne savait pas ce que devait comporter le concept « aimer juste ». Elle aimait dans l'excès, positivement ou négativement. Les psychiatres d'aujourd'hui expliquent cela très bien.
    Maintenant que je suis au clair avec mes sentiments envers toi, je vis très bien ton souvenir, chère mère (oui je t'ai toujours appelé mère, parce que une maman c'est tout autre chose....), et même je suis content des « autres choses que l'amour » que j'ai reçu de toi. Ça m'a bien aidé dans ma vie.

    J'arrête là ces éléments de l'histoire. Ce qui me semble fondamental c'est qu'on ne doit strictement rien à ses parents. J'apprécie cette phrase biblique : « Tu honoreras ton père et ta mère » il n'est absolument pas écrit tu les aimeras ! Les honorer c'est les respecter pour ce qu'ils sont et ne pas leur porter tort volontairement. Rien de plus. Rien de moins. L'amour filial, n'est pas une obligation, mais une option, possible ou non. En revanche l'inverse, si. L'enfant a besoin d'un "amour de grandissement". Si la mère est dans l'incapacité de le donner, il faut résolument et volontairement aller chercher ailleurs. C'est pas difficile. On trouve… enfin moi j'ai trouvé… DES substituts maternels valables et qui m'ont aidé à me construire. (Des hommes comme des femmes).

    Bon, je pourrais dire encore bien des choses, mais j'ai eu souvent dans le passé l'occasion d'évoquer ces sujets sur mon blog.

    Commentaire trop long, désolé !

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    1. ton commentaire est long en effet, mais pas TROP long! Il est intéressant et plus que cela!
      Ainsi donc toi aussi tu as eu une mère qui n'a pas SU comment aimer juste! (alors que par ailleurs elle avait des qualités qu'à l'extérieur on reconnaissait)
      Je ne sais pas si ma mère a eu des qualités qu'on reconnaissait: elle s'est disputée avec chacun de ses frères et soeurs (c'est grâce à mon père qu'il se sont réconciliés)
      Elle était profondément dépressive, jamais de bonne humeur.Elle rouspétait pour tout!Je me souviens que je détestais les jours de congé qui allaient me garder à la maison avec elle!
      J'aimais tellement peu ma mère (je la détestais en vrai!) que je suis toujours et encore maintenant étonnée que mes enfants m'aiment et me le disent: c'est comme un cadeau extraordinaire qu'ils me font!
      Merci à toi, Alain pour ton commentaire

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  7. Moi je ressens comme toi. La relation avec ma mère n'a pas été facile, comme un manque affectif et j'enviais tous les amis proches de leur mère.Il m'arrivait même de culpabiliser: pourquoi n'aime je pas ma mère comme eux ?

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    1. tu dis exactement ce que je ressens aussi: j'enviais les autres et je culpabilisais...
      Nous sommes nombreux je vois, à avoir eu une relation difficile avec notre mère hélas!

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  8. Outre qu'à lire le début je me suis dit "Tiens ! Camus s'invite chez Coumarine !" je crois avoir déjà dit que Freud s'était planté en disant"Il faut tuer le père".
    Mais bon, je soupçonne que ça dépend des mères, des filles et des fils.
    La généralisation faite sérieusement est souvent le point où il faut s'attendre à lire ou entendre une connerie.

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  9. "La généralisation faite sérieusement est souvent le point où il faut s'attendre à lire ou entendre une connerie."
    Je ne te comprends pas bien.La généralisation permet de ne pas rester dans le trop intime, celui qui fait mal, tu ne crois pas

    J'ai bien sûr aussi pensé au fameux incipit de Camus, c'était quoi la phrase exacte?

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    1. ah oui je me souviens, dans l'Etranger de Camus:
      Aujourd'hui maman est morte, ou peut-être hier je ne sais pas...

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  10. Même si la première phrase est magnifique, je ne pense pas que je pourrais lire ce livre du coup. Je suis plutôt dans les mêmes ressentis que vous... (d'ailleurs, moi aussi j'ai longtemps cru que j'avais été adoptée !)
    Par contre, j'ai aimé lire ce billet !

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    1. Bonjour Landrynne, bienvenue dans mon espace et merci pour votre dernière phrase!

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  11. Ma mère m'aimait, j'aimais ma mère. Mais lorsque j'ai pu partir de la maison, je l'ai fait, car c'était un amour étouffant, j'avais besoin de respirer et surtout de créer ma propre identité. Ma mère ne disait jamais "je", mais "on" en parlant d'elle ou de moi. Gamine, elle parlait à ma place, c'est pour cela d'ailleurs que j'ai été une enfant "muette" pendant très longtemps, je la laissais parler à ma place, elle savait si bien le faire. J'en étais arrivée à un point que je me disais : lorsque maman mourra, je mourrai moi aussi, tellement j'avais l'impression d'être la même personne qu'elle. Lorsque j'ai quitté la maison, les angoisses se sont espacées, j'ai pu me construire en tant que personne à part entière. Pourtant, je ne lui en veux pas. Elle m'aimait, je l'aimais. Mais il a fallu que je m'éloigne d'elle...

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    1. ce que tu racontes de ton passé, Françoise est toujours terriblement prenant!
      (ta mère est-elle décédée aujourd'hui?)

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    2. Oui, Coumarine, ma mère est décédée en février 2002. Et je n'ai pas eu envie de mourir...

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    3. je t'embrasse chère Françoise!

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  12. Je me demande si je pourrais m'identifier à un tel amour pour sa mère. J'ai lu ton livre et sais combien ce fut difficile entre ta mère et toi, et j'en connais d'autres. J'ai moi-même eu une relation difficile avec ma mère (mais très "amoureuse" aussi, juste pleine d'étincelles et de moments d'incompréhension totale). Un amour fusionnel le semble excessif, sans que je juge, c'est juste que je ne trouverais pas l'écho correspondant en moi...

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    1. merci Edmée pour ton témoignage!
      Les étincelles et moments de grande incompréhension n'ont pas empêché chez toi une relation très forte avec ta mère
      L'amour est donc sauf!
      et cela doit être un vrai bonheur...

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