samedi 24 novembre 2018

Pauvre petits enfants belges (2)

Maman ne m'a rien raconté de cet accueil en Suisse. Ce que j'en sais c'est par ma belle soeur: quand elle lui rendait visite, parfois ma mère racontait des bribes de son enfance... jamais à moi!
Mais il faut dire que jamais je n'ai eu la curiosité de l'interroger. Dans sa maison de repos j'étais prise par les choses à faire: les lessives, la nourriture... Aujourd'hui je le regrette! Oui! je le regrette fort!

Autour de la commémoration du centenaire de la fin de la grande guerre, il y a eu abondance de documentaires: un a particulièrement attiré mon attention. Il s'agissait précisément de cet accueil d'environ 2000 enfants belges par des familles suisses, prêtes à "faire quelque chose pour ces pauvres petits enfants belges"!

Ma mère et son frère (deux ans plus âgés) ont été confiés librement par leurs parents pour qu'ils puissent vivre une enfance protégée de la guerre dans ce pays qui avait gardé sa neutralité! Librement mais sans doute douloureusement: qu'ont ressenti ces parents quand ils ont mis dans des trains bondés leurs petits enfants (4 et 6 ans) qui ne s'étaient jamais séparés d'eux? Enfants qui sont partis avec une barre de chocolat pour tenter de consoler les pleurs. La foule, le bruit, les bousculades...Je n'ose l'imaginer! (ma fille aînée à qui j'en parlais ce midi, m'a affirmé qu'elle serait partie avec eux!)

Or maman a été heureuse et libre dans cette famille suisse qui l'a accueillie avec tendresse. C'est donc avec un nouveau déchirement au coeur qu'elle est rentrée en Belgique auprès de ses parents qu'elle ne connaissait plus vraiment! Son frère aussi accueilli dans une autre famille dans un village tout proche, s'est paraît-il accroché aux barrières pour ne pas devoir suivre la Croix Rouge qui venait les chercher! Et les mères d'accueil qui pleuraient de se séparer de ces enfants auxquels en 6 ans elles s'étaient attachés!
Que de souffrances pour ces "pauvres petits enfants belges" et pour les familles autour d'eux!

(à suivre)

19 commentaires:

  1. on ne sait pas ce qu'on ferait en temps de guerre... des mères juives ont aussi confié leurs enfants à des inconnus, espérant ainsi les sauver... pour ta maman et ton oncle, rester à Ypres sous les bombes et les destructions, privés de tout, aurait causé d'autres traumatismes... que faut-il faire pour bien faire, quand on n'a pas de boule de cristal?

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    1. je suis bien d'accord avec toi, Adrienne: ces gens ont fait pour le mieux... au prix du chagrin de se séparer de leurs petits...
      Aucun jugement pour eux! aucun vraiment!
      Ypres a d'ailleurs été inondée pour freiner l'avancée des troupes ennemies...

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  2. On ne connaissait pas encore l'importance de la parole, et comme elle libère de bien des maux... Aujourd'hui encore, les secrets de famille continuent à faire des ravages.

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    1. oui! la parole, même exprimant des choses douloureuses libère!
      Je ne sais pas si cet épisode fut pour moi un secret de famille: je ne savais tout simplement pas!
      Depuis une semaine, je suis passablement remuée, c'est ce que je tenterai d'expliquer!

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  3. Bonjour Coum, encore une fois, comme ce récit "me parle"! Tu sais, dans mon histoire familiale, il y a ce "traumatisme de la séparation", je crois que les psys appellent ça le syndrome de l'abandon. Et cela fait que toute la vie durant, on a sans cesse besoin d'être rassuré-e.

    Ne t'en veux pas de n'avoir pas interrogé plusss ta maman. Pour moi c'est pareil, j'ai eu les mêmes regrets, Maman parlait au compte-goutte de toutes façons, comme la tienne sûrement.
    Je trouve que c'est déjà énorme, ce cheminement que tu fais en évoquant cet épisode, à chaque mot ta mère est à tes côtés.
    Bon dimanche à toi, Coum'

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    1. ce syndrome de l'abandon je le vis parfois intensément: j'ai trop souvent besoin d'être ou de me sentir "rassurée"!

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  4. Dans un contexte de guerre, ou dans un contexte insurrectionnel (nous n'en sommes pas très loin dans certains endroits d'Europe), il n'existe que des moins mauvaises solutions, aucune ne peut être bonne.
    Les mères seront toujours les mères, elles choisiront ce qui paraît le moins mauvais pour leurs enfants, dans le contexte considéré.
    En ce sens l'expression « pauvre petits-enfants belges » n'est pas forcément la plus appropriée.
    Je dirais plutôt pauvres petits-enfants, ceux qui n'ont pas pu bénéficier du privilège de ce havre de paix suisse au milieu de de la tragédie mondiale.

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    1. L'expression "pauvres petits enfants belges" vient des Suisses eux-mêmes quand ils battaient le rappel pour que des familles se présentent pour les accueillir. La pitié/compassion pour ces petits enfants a été un excellent moteur puisque plus de 1500 enfants ont ainsi pu trouver ce havre de paix!

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    2. je reviens compléter mon commentaire.
      Parler comme tu le fais du privilège d'avoir pu "bénéficier du privilège de ce havre de paix suisse au milieu de de la tragédie mondiale". Oui, la raison dit en effet que ce fut un privilège!
      Sauf que les ressentis ont pu être différents, tu en conviendras!
      Ces enfants avaient de 4 à six ans quand ils ont été séparés de leur famille... et ils l'ont été pensant 6 ans! 6 ans, c'est énorme pour des enfants qui n'ont plus ou peu des souvenirs de leur vie d'avant!!!
      De plus, certains enfants contrairement à ma mère (et heureusement pour elle! n'ont pas été heureux dans leur famille suisse)

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    3. @AlainX.. j'avoue ne pas comprendre le sens de ton commentaire (que tu as posté par erreur chez moi, c'est pourquoi j'y réponds ici). Y a-t-il un degré dans les traumatismes enfantins? Ma mère qui se souvient des bombardements aurait-elle été moins traumatisée si elle avait été arrachée à ses parents pour aller vivre chez des étrangers, dans un autre pays?

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    4. Je veux dire, le traumatisme aurait été différent mais pas moins réel. On ne va pas "s'amuser" à établir de hiérarchies, quand même, si? Non, évidemment. TOUS les enfants subissent les temps de guerre, eux les premiers, les plus vulnérables. :-)

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    5. bien sûr, La Baladine, tu as parfaitement raison. Et moi aussi j'ai été "étonnée" de ce commentaire d’Alain
      Merci à toi!

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  5. Ta maman ne t'en a pas parlé alors qu'elle a posé les mots avec ta belle-sœur avec laquelle elle n'a pas de lien de sang et qu'elle n'a pas connu enfant. Avec toi, cela lui était plus difficile, je crois me souvenir que tu étais la seule fille de la fratrie. Que tu sois profondément touchée, c'est normal d'autant que tu as des liens très forts avec tous tes enfants.
    Bon dimanche Coumarine.

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    1. oui chère Nicole je me sens rejointe par ton commentaire
      merci à toi!

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    2. et c'est vrai, ma belle soeur n'a pas connu Maman durant ces années où elle a été dépressive au dernier degré!
      Ca change bcp de choses!

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  6. Il est parfois plus facile de se confier à quelqu'un de moins proche qu'à sa propre fille, ce peut être par pudeur peut-être. Moi aussi, je regrette de ne pas avoir questionné davantage ma mère sur sa vie de jeune femme, de jeune fille, ce qu'elle avait vécu durant la guerre, et tant d'autres choses. A l'époque, il ne me semblait pas important de lui demander, ce serait maintenant, je le ferai.
    Tout a du bon et du mauvais. Ces enfants étaient sûrement mieux chez ces personnes, loin de la guerre, mais cela a tout de même dû être déchirant d'être séparés de leurs parents.
    Merci pour ce partage, Coumarine. Je t'embrasse fort.

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    1. Donc voilà! ce qui faut retenir de cela, c'est que il faut interroger ses proches, quand ils sont encore là!
      Merci chère Françoise, je t'embrasse aussi

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  7. Mes deux parents ont été séparés de leur famille quand ils étaient enfants, et bien sûr c'était pour les protéger. A l'époque on ne pouvait que choisir la solution la moins pire. La peur était omniprésente.
    Mon ostéopathe a évoqué dernièrement ce syndrome d'abandon dont a parlé Ambre dans son commentaire.
    Une trace visible dans l'histoire familiale, et dans ma propre construction. J'en ai la marque dans mon corps.
    Mon père est parti sans me parler de ce secret. C'est sans doute une part de ce qui a déclenché la souffrance que j'ai éprouvée à son départ.
    Merci pour cette mise en mots qui permet à chacun de réfléchir sur lui-même.
    ♥︎

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    1. merci à toi d'être venue lire et commenter ce que j'ai raconté et qui m'a enormément touchée!!!

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