jeudi 31 mai 2012

Ses bras étaient transparents

Je la regarde, assise à la table de la cuisine, droite, hiératique, les yeux perdus dans le vague de son absence. Comme à son habitude, elle ne regarde rien ni personne, elle s'entoure de sa solitude
Je la regarde je la regarde, encore et encore,  je guette la faille, le moment où elle posera son regard sur moi, comme une invitation
Soudain l'inattendu ou le trop attendu: effectivement ses yeux comme par hasard se posent sur moi, et s'y accrochent un moment. Un moment de résurrection. Ses yeux soudain me donnent la vie. 
Je la regarde timidement, j'espère j’espère
J'espère qu'elle me fera un signe de rien, un signe de tout
Ses yeux à la fois fixés sur moi, mais déjà au delà de moi, comme s'ils voyaient en transparence s'animent plus encore, et ses bras déposés sur ses genoux se lèvent lentement
Lentement.
Ses bras s'arrondissent et semblent appeler l'enfant que je suis, affamée
Affamée non pas de pain, mais de tendresse, rien qu'un peu qui me nourrirait pour aujourd'hui seulement.
Ses bras se font berceau et m'attirent irrésistiblement, je crois comprendre leur appel
Leur appel... incroyable!
Je viens vers elle, et me glisse par dessous le collier précieux de ces bras prêts à m'aimer
M'aimer..
Je tremble, c'est beau ça me gonfle le coeur
Je suis dans le collier d'amour, je regarde ses yeux...
Ils sont retournés dans leur univers inaccessible, loin de moi loin de moi
Dans un univers de frayeur de méchants loups, où ses yeux pleurent sans pleurer
Je la regarde perplexe, pleine de questions
Qui est cette mère qui m'appelle en même temps que ses yeux me repoussent déjà ?
Ses bras me serrent m'enserrent. Ils m'enserrent me serrent, jusqu'à m'étouffer, j’étouffe, je manque d'air il faut que je m'échappe je suis en train d'y laisser ma vie
Je me dégage avec violence, elle ne réagit pas, je fuis je m'enfuis, j'abandonne cette femme absente
oh! si absente!
Sans yeux pour me regarder avec amour.
Et ses bras sont retombés rigides sur ses genoux

Puis dans un effort violent je me réveille, je pleure
Je rassemble mes esprits et je me remets à vivre

A ceux qui me connaissent en réel et qui me lisent (souvent en silence) ceci est un texte de fiction. DE FICTION. Rien de plus
Mais rien de moins non plus!






37 commentaires:

  1. holala... un texte comme ça peut-il vraiment être de la fiction...
    Des bises Coum'

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. intéressant comme question
      ce texte je l'ai écrit tout juste après être sortie de mon sommeil
      Sans doute l'inconscient a-t-il parlé?
      Mais après, je me laisse écrire ce qui vient...j'aime beaucoup faire ça, je me laisse surprendre par mes mots
      C'est mon côté sombre qui s'exprime

      Supprimer
  2. Et s'il s'agissait d'un rêve éveillé ou pas: ce n'est pas cela qui est important c'est toi qui l'as écrit, c'est toi qui peux donc l'interpréter et essayer de comprendre pourquoi tu as justement écrit cela. Fiction ou pas cela aussi, n'est pas important.
    Tu ne dois pas avoir peur de ce que tu écris et surtout peur de l'opinion des autres, de ce qu'ils pourraient éventuellement se raconter à ton sujet à la lecture d'un tel texte. C'est leur affaire à eux, par rapport à leur vécu etc.
    Je me dis quant à moi qu'on ne guérit jamais de son enfance...D'ailleurs faut-il en guérir ? Je crois que c'est elle notamment qui a fait ce que nous sommes aujourd'hui avec ce que nous en avons fait.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. oui Charlotte je redoute parfois le regard (encore ce mot!!) des autres...
      Je devrais pas, mais voilà c'est comme ça...

      Supprimer
  3. Pour moi une fiction qui sonne juste est vraie, d'une manière ou d'une autre, même si elle se s'abreuve pas à la source du réel, au sens strict du terme. La vérité a de multiples déclinaisons.
    Et ce texte que tu nous proposes aujourd'hui sonne juste, oh combien !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. merci Myz
      à partir du moment où on entre dans la "fiction", tout est vrai et rien n'est vrai...
      Même l'auteur ne sait pas exactement où il (elle) a puisé son idée
      Cela me fascine, quand après l'écriture je m'interroge et m'étonne moi-même de ce que j'ai écrit
      Je constate que le REGARD prend ici une énorme importance

      Supprimer
  4. Un texte dense, plein d'émotion. Pour ma part, avant de comprendre que c'était un rêve, je voyais une maman perdue dans la maladie d'Alzeimer et sa fille, souffrant de perdre SA maman...

    ça fait du bien de te retrouver sur de la fiction, Coumarine ;-)
    Heureusement que ton écriture reste ouverte sur cette fenêtre-là.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui Fabeli, j'aime BCP ta façon de lire mon texte!
      En effet ce pourrait être cela!

      merci beaucoup à toi, tu m'encourages à recommencer à écrire de la fiction, finalement j'aime bcp ça! Et j'aime qd mes mots "s'envolent" quasi en dehors de moi

      Supprimer
  5. De la fiction nourri de vécu, c'est si beau et si triste

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Voilà c'est ça!
      Tous les auteurs puisent dans leur vécu pour en recréer autre chose

      Supprimer
  6. elle rêve sans trêve, sa nuit ne sera pas brève,
    même si aux faux hasards de ses cauchemars, il lui arrive de perdre le nord, elle se retrouve et s'éprouve
    elle glisse sur un brise-larmes, attend le chant des étoiles et l'entend quand le temps s'use les dents sur d'autres horizons que le sien...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. merci JEA pour tes mots toujours amplis de poésie
      J'aime BCP ta dernière phrase

      Supprimer
  7. Un texte magnifique, chère Coum, où je te retrouve, à la fois imaginative et d'une sensibilité qui traduit les états d'âme même les plus secrets. De la fiction, sans plus. Peut-être un très très lointain regret; peut-être un manque de lumière dans les yeux de cette femme absente..Absente comment?..Je suis tellement heureuse que la fiction revienne sous ta plume, chère Coum! Je t'embrasse.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Chère Lorraine, finalement ce texte peut s'interpréter de façon différente
      J'aime ce que fabeli en dit, c'est tout à fait plausible
      (de savoir que nous entrons dans juin me donne des ailes ;-))

      Supprimer
  8. Waouh... Fiction ou pas, ce texte est magnifique et il me parle tellement... Merci de laisser ta plume aller ainsi et tant pis si tous les regards ne sont pas neutres !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui liacht j'imagine bien que ce texte doit te parler...

      Supprimer
  9. Ah !
    Alors si c'est de la fiction.... je ne dis rien.... !
    :-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. ben... toi tu sais bien ce qu'il en est héhé
      tu as lu mon livre L'enfant à l'endroit, l'enfant à l'envers...
      Tourner de manière différente autour du même "appât" ;-))

      Supprimer
  10. C'est donc que la fiction te sied fort bien ...
    Je t'embrasse

    RépondreSupprimer
  11. Fiction ou non touchant ce texte, troublant même....ces bras et ces yeux qui se contredisent... Merci de partager...bises

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. cela arrive hélas, que les bras et les yeux se contredisent...;-))

      Supprimer
  12. Tu vois Coumarine , si quelqu'un avait mis ce texte sous mes yeux , en laissant deviner l'auteur , j'aurais dit sans hésiter un seul instant " Coumarine "!
    J'aime te lire , je retrouve des émotions , celles que j'ai pu lire dans "l'enfant à l'envers .."
    c'est une vraie richesse de pouvoir écrire de cette manière , fiction et souvenirs , regrets , un cocktail doux et amère

    Je ne voudrais pas étouffer mes trois trésors .... tendre les bras aussi souvent qu'ils en attendent
    merci , tu m'éclaire

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. ah ben dis donc Jeanne, cela me fait plaisir ce que tu me dis là! Que tu puisses reconnaître ma "touche"

      Étouffer ses enfants en tant que mère, c'est un danger
      A la fois les entourer,les structurer, sans les "posséder"

      Supprimer
  13. Je suis venue, j'ai lu, je suis repartie sur la pointe des pieds, étreinte par une sorte de bizarre angoisse, comme si je lisais ce texte au fond d'une grotte ou d'un puits. c'st que le seul mot d'"étouffer" me provoque un malaise, je me mets en apnée.J'ai failli mourir en regardant le "grand Bleu" j'ai été obligée de sortir de la salle de cinéma. Toujours est-il que cette mère étouffante et transparente, je l'ai clairement identifiée à la Mort, et que tes mots ont une incroyable puissance d'évocation.
    Bravo pour cette fiction qui pour moi a plutôt été une friction...je t'embrasse fort.
    Célestine

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. bonsoir Célestine
      Ton commentaire me happe de plein fouet
      oui cette mère qui étouffe, pourrait être la mort...
      heureusement alors que la narratrice est capable de fuir, de s'échapper...
      Je t'embrasse fort aussi

      Supprimer
  14. Il y a des médocs - dont la prise s'impose alors qu'elle enthousiasme bien moins que celle de la Bastille...
    Eux semblent connaître tous les codes, posséder toutes les clés qui ouvrent les portes et les fenêtres et les jardins et les bateaux de vos nuits.
    Vous ne verriez aucun inconvénient à dormir. Voilà, en toute simplicité. Les rideaux du théâtre sont retombés. Les lustres éteints. Les artistes sortis. Le concierge en vacances et le public aussi.
    Mais non, ces médocs prennent votre cerveau pour une piste de cirque. Y libèrent des animaux vraiment sauvages malgré l'absence de barreaux. Vous entraînent dans des numéros de trapézistes alors que vous n'avez qu'un seul pied, et encore n'est-il que marin. Ils mettent même parfois la sono à fond. Renversent des camions entiers de couleurs criardes. Vous soumettent comme cible à des concours de lancer de couteaux. Vous crachent du feu au visage. Et finalement, vous placent dans un canon pour vous métamorphoser en femme (ou en homme) obus.
    Les médocs il y a de l'abus !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. cher JEA
      oui les médocs sont de vilains méchants, ils exagèrent!
      hélas... on est bien obligés de se les farcir
      ;-((

      Supprimer
  15. Très beau texte, très émouvant
    Fiction et réalité : les deux sont souvent si intimément liés que même l'auteur peut s'y perdre

    RépondreSupprimer
  16. je lis, relis depuis deux jours, beaucoup de mal à m'exprimer sur ce texte très beau, émouvant, tellement intimiste et plus révélateur qu'il n'y parait ; fiction oui, mais pas que..
    enfin... peut-être...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. chère loulotte, toi aussi tu as lu mon livre et y aura trouvé quelques éléments de réponse...

      Supprimer
  17. Une histoire particulièrement forte lorsqu'on la lit le jour de la fête des mères. Essayer de ne jamais avoir des bras transparents, ni étouffants. Difficile équilibre à trouver, alors qu'on est juste une femme, simplement une humaine...

    RépondreSupprimer
  18. Je comprends si bien ce texte, trop bien, en ce jour particulier ou les mots convenus peuvent parfois rester coincés dans la gorge. Bises Coumarine.

    RépondreSupprimer
  19. @ Pastelle et Antigone
    La fête des mères en Belgique a au lieu il y a quinze jours.
    Ceci dit: bonne fête aux mères françaises qui me lisent
    Bises à vous

    RépondreSupprimer
  20. Mon dieu! quelle tristesse! je me rends compte à quel point ma chance fut immense

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. je suppose que tu parles de ta chance immense d'avoir eu une mère aimante, qui te regardait comme une personne...

      Supprimer

un petit mot à dire?

LinkWithin

Related Posts with Thumbnails