Je l'ai rencontré il y a quelques jours...
Un jeune homme pas tout à fait comme les autres jeunes, un jeune homme auquel la nature a mal distribué les chromosomes...
Il s'approche de moi, et avec la gentillesse et la jovialité caractéristiques de ces personnes, il me prend le bras, m'oblige à le regarder et me dit avec conviction et un grand sourire:
"Tu es là, et je suis là, et c'est bien"
Aucune erreur chromosomique n'a pu empêcher que cet être simple ne s'installe tranquillement et avec assurance au royaume de ceux qui peuvent dire "JE" en s'adressant à un "TU"
Et c'était bien, m'a-t-il dit, parce qu'il avait l'impression que c'étaient nos deux personnes fondamentales qui étaient là en présence l'une à l'autre, capables de communiquer au delà des préjugés et des apparences: il s'est exprimé en sujet, pas en objet (càd celui dont on sait d'avance comment il va réagir, ce qu'il va dire et comment...)
Je suis restée rêveuse suite à cette rencontre: et moi, comment est-ce que je me pose devant l'autre? Suis-je un "Je" véritablement, suis-je réellement celle qui se trouve dans le profond de mon âme? Ou celle qui quelque part joue un rôle, pour se faire aimer, reconnaitre par exemple. Ou celle qui joue le rôle que ses parents ou professeurs ou société lui ont si bien appris? Un rôle nécessaire pour faire partie du clan? Un rôle imprimé à jamais dans mes chromosomes dits normaux?
Personne et personne, même mot pour deux réalités...
Le bébé est une personne titrait un best-seller autrefois, une personne à prendre en compte, à respecter, à considérer...
Et
Il n'y a personne ici... personne, néant, rien!
Exactement l'envers et l'endroit, la langue française est vraiment incroyable! Nous avons le choix au fond
Suis-je une personne? ou personne?
Quand puis-je dire en vérité: tu étais là, j'étais là et c'était bien, vraiment bien... nous avons communiqué comme des personnes...?"
Manoukian
Tu me rappelles quelque chose, un peu hors sujet...mais : Quand je travaillais, j'étais Catégorie C, plusieurs fois quand le proviseur entrait dans le bureau, si ma collègue de Catégorie A n'était pas là, il disait : Il n'y a personne ici ?.....J'adorais....!
RépondreSupprimerEtait-ce à cause de ma réserve naturelle ou de ma catégorie qu'il estimait que je n'étais pas une personne à prendre en compte, à respecter...?
@Tanette... non non, tu n'es pas du tout hors sujet... pour lui le proviseur machin, tu n'étais personne, en tout cas pas la bonne personne, la personne valable, celle avec laquelle l'échange pouvait se faire
RépondreSupprimerJ'ai souri en te lisant, mais c'est dû à la façon dont tu racontes... pas au contenu
je pense tout à coup à Ulysse qui parvient à échapper au Cyclope en jouant sur le double sens du mot "personne". quelques fois ça peut servir de passer inaperçu(e) ;-)
RépondreSupprimerParfois je voudrais être "personne"
RépondreSupprimerEt on peut aller plus loin dans la réflexion encore quand on sait que "personne" vient de "persona" (de l'étrusque via le latin), qui désignait un masque de comédie, un personnage. En anglais, le mot "persona" est toujours utilisé (littéraire) pour désigner la facette de son caractère qu'un individu veut montrer aux autres...
RépondreSupprimerJ'ai du mal à enregistrer un commentaire alors ceci est un essai.
RépondreSupprimerJe voulais te dire combien je me sentais en phase avec tes deux dernières notes mais mon commentaire est passé dans la trappe virtuelle ... Je te remercie de ta fidélité pendant mes "éclipses".
RépondreSupprimerMême si quelquefois on peut avoir l'impression de n'être personne, un(e) anonyme ou une fourmi dans la masse, nous sommes tous uniques.
RépondreSupprimerTon billet me touche... une fois de plus
@k. oui c'est vrai son nom était personne/il a pu fuir de cette manière...intéressant...
RépondreSupprimer@mab... je pense sincèrement que je préfère être une personne aux yeux des autres...;-))
@Pascale... oui tu ajoutes encore un élément:
le masque (persona, avec un "n" seulement comme tu l'indiques) ou la facette de soi qu'on montre aux autres
@Ariaga... merci de venir me dire cela...
bonne reprise à toi;-)
@Clara...parfois on doute de cette vérité...
merci pour ton commentaire
il me semble que le " je" recouvre tous les aspects de nous, l'intégralité du qui nous sommes.
RépondreSupprimeril n'y a pas que le "moi profond" (ce que tu nommes âme).
la nécessité de jouer un personnage ou d'exercer un rôle social est partie intégrante du " je".
faire l'unité en soi n'est pas quelque chose de monolithique.
on n'est jamais véritablement "tout d'une pièce"
Le " je" est plutôt multiple que plusieurs...
enfin... Il me semble...
je n'ai mots pour dire personne, car pour moi il n'y a que des êtres humains, différents mais dignes d'intérêt.
RépondreSupprimerOuf là j'avoue qu'il faudra que je te relise!
RépondreSupprimerTanette, c'est par ce que cet homme sans doute pas très fin ne s'appercevait pas qu'il y avait peut-être quelqu'un de très exceptionnel dans la pièce.
Nous passons trop souvent par imbécilité, par parresse ou par timidité à côté de gens géniaux.
Prenons le cas de la chanteuse écossaise dont les juges avaient un petit sourire moqueur avant de l'entendre... Et dire que toute sa vie a été un enfer car on ne lui avait pas donné sa chance est une atrocité.
Il faut toujours onsidérer une personne, toujours car une personne n'est pas une chose belle ou laide c'est une personne avec une âme, une pensée, un coeur et des souffrances.
http://www.youtube.com/watch?v=tyrxTgt4OwA
Bonne soirée!
Amaury
En te lisant et en lisant les commentaires, je pensais à Ulysse bien sûr, mais surtout à ce Western de mes treize ans, les fesses posées sur les strapontins en bois d'un cinéma de Leuven: "My name is nobody". C'est évident, n'être personne peut dépanner, mais je pense qu'il est primordial d'être reconnu et apprécié pour ce que l'on est. J'ai la chance d'entendre les doléances de personnes éminentes comme de petites mains, si tu savais comme celles-ci souffrent du mépris dont elles peuvent faire l'objet! J'y travaille, mais c'est un travail de longue haleine.
RépondreSupprimer@Alain...oui on est multiples... mais cette rencontre a eu lieu j'oserais le jurer entre nos JE profonds à l'un comme à l'autre..
RépondreSupprimer(je suis pas sûre d'avoir bien compris le sens de ton commentaire...;-((
@thierry... que des êtres humains, mais parfois si différents!
@Amaury... c'est vrai que parfois on se moque ou on méprise une personne, qui pourtant, encouragée peut donner alors le meilleur d'elle même...
@Delphine...oui je suis bien d'accord avec toi: on a tous besoin d'e^tre reconnu pour qui on est: une personne digne d'intérêt..
Certains meurent de ne pas avoir ce minimum de reconnaissance d'être humain...
Qu'est-ce que la personne? L'être social, l'être intime? N'avons-nous pas, chacun d'entre nous, une distribution unique de chromosomes? Et cependant tous différents. Bien que sur le même modèle.
RépondreSupprimer@Jeandler... bienvenue aussi... ;-))
RépondreSupprimerj'aime ce que tu dis: que nous avons tous une distribution unique de chromosomes qui nous fait uniques et si différents...
Riche billet, chère Coumarine, qui invite à la réflexion. Qui dit "je" en soi ?... Qu'est-ce que ça fait, d'être un autre que soi ? Quelle est la part d'intime, et la part de construction sociale dans notre psyché ? La persona est un masque, mais le masque souvent montre plus qu'il ne dissimule...
RépondreSupprimerNous sommes des énigmes de l'émergence, propriété qui naît d'un système complexe lorsque le tout est plus que l'ensemble des parties. La conscience humaine est une singularité inouïe et précieuse : chacun d'entre nous est unique, et chacun d'entre nous le sait...
La langue française est si riche, en effet; infini pouvoir des mots. Mais l'anglais, avec son drôle de pragmatisme, produit aussi des associations intéressantes : personne, nobody, pas de corps...
Amicalement
Le mot "personne" m'indispose je n'y vois rien ou que de l'abstrait ,j'y entends surtout "personna non grata" .Je préfère "quelq'un".
RépondreSupprimerQuant au "Je" ... "je" c'est moi!... même si Rimbaud écrivait: "je est un autre". Dans le "je" il y a de l'autre qui m'a aimé, m'aime, m'a éduqué, me construit, m'a nourri, m'enrichit, etc qui m 'aide dans ce que "je suis". Je ne suis pas sans l'autre.
Et quand l'autre se fait présence et me dit "tu" une relation naît et le jour se lève.
suite à la lecture de ta page, je comprends d'une autre façon la chanson de Véronique Sanson "besoin de personne"
RépondreSupprimerhttp://www.musicme.com/Veronique-Sanson/albums/Amoureuse-0022924482120.html?play=09
@madame de K... merci pour le lien... je me trompe ou tu aimes bcp Véronique Samson...?
RépondreSupprimer@Charlotte, oui c'est vrai, les autres nous forgent, on vient de quelque part, ils sont importants
Parfois il faut se construire malgré les autres...
@Sophie, je m'arrête un moment sur tes mots:
" Quelle est la part d'intime, et la part de construction sociale dans notre psyché ? La persona est un masque, mais le masque souvent montre plus qu'il ne dissimule..."
Oui pour l'oeil observateur, il est assez facile de percer le masque pour arriver à la personne vulnérable
merci d'être passée..;-))
30 novembre 2010 21:28
C'est en flânant sur des chemins d'écriture de la blogosphère que je rencontre vos mots avec plaisir.
RépondreSupprimerBien à vous
C'est magnifique de savoir penser avec le coeur plutôt qu'avec la tête,et c'est souvent le cas des gens dits "simples".
RépondreSupprimermerci Virtuelle... bienvenue ici
RépondreSupprimer@marie-madeleine, penser, parler avec le coeur, oui, c'est précieux dans les contacts humains...
Cela me rappelle un billet sur le mot "abandon" chez ce cher Alainx. Les mots en français ont de délicieuses ambiguïtés.Est-ce la même chose dans les autres langues? Nous faisions avec mes élèves le même cheminement avec le verbe apprendre, qui s'applique aussi bien à l'élève qu'au professeur... ou le mot "hôte" qui représente à la fois l'invité et celui qui reçoit...Les exemples sont nombreux dans notre langue.
RépondreSupprimerLes personnes sont toujours quelqu'un, handicapées ou non. C'est un beau message que nous délivre ton billet, à quelques encablures de Noël.
Bises tardives
Célestine
Bien le bonsoir de personne, Coumarine…
RépondreSupprimer(Voilà, maintenant je retourne dans mon igloo.)
Tu es là, je suis là et c'est bien... une phrase toute simple mais qui recèle tant de merveilles! A dire et à répéter tous les jours...
RépondreSupprimer@Célestine...oui beaucoup de mots français ont cette étrange ambiguïté
RépondreSupprimerJe me demande si ça existe aussi dans d'autres langues...
@Vertumne... tes apparitions m'enchantent toujours... même qd tu retournes dans ton igloo par après! ;-))
@Gwénaëlle... oui tout est dit dans cette simple petite phrase... et c'est énorme!
Oui ! ce qui retient mon attention, c'est bien sûr le besoin de reconnaissance, je parle comme une femme qui en est encore, à presque 50ans, à courir après cette reconnaissance professionnelle, pour ma part.
RépondreSupprimerHeureusement pour moi que la reconnaissance intellectuelle et artistique, elle s'est faite et ô combien solide.
il ne faut jamais omettre, en effet, à quel point cette reconnaissance est vitale, dans notre regard, face aux autres.
@françoise...les besoins d'être aimé et reconnu sont des besoins fondamentaux de tout être humain...
RépondreSupprimerTu le dis très bien...
tu as écrit "Suis-je une personne? ou personne?" et je pourrais reprendre à quelques mots près, le début de l'écrit de Tanette2 car il m'arrivait souvent la même situation : " la porte du bureau où je travaillais s'entrouvrait et j'entendais "y a personne ?" sous-entendu, il ou elle n'était pas là.
RépondreSupprimerSi, moi mais j'étais donc "personne" !... et non" JE"
Heureusement que pour ceux que j'aime et apprécie je suis UNE PERSONNE et elles sont "DES PERSONNES " aussi.
bisous Coumarine