dimanche 30 mai 2010

Commencer, persévérer, terminer...

Je me disais ce matin...
quand tu es sculpteur et que tu as devant toi un bloc de pierre ou de bois qui attend que tu en fasses une oeuvre, que tu lui dessines une forme, que tu lui insuffles de la vie, chacun de tes gestes compte. Un coup de burin en trop et l'objet part à la dérive, quitte son destin que tu avais déjà bien vivant dans ta tête. Un coup trop violent, et la pierre ou le morceau de bois part en éclats fissurés, fracassés. Stériles. Gâchés.
Il faut du courage pour "attaquer" ainsi l'objet pierre ou bois, se poster devant lui et déjà rêver à ce qu'il pourra devenir si tes mains ne tremblent pas. Il faut du courage parce qu'il y a un point de non retour.

sculpture Myriam Kahn

De même quand tu coupes un tissu précieux pour en faire le vêtement de tes rêves... cela doit être un peu comme ça aussi...tu n'as pas droit au coup de ciseaux maladroit.

Il me semble que le peintre aussi a besoin du même courage: la toile ne permet pas de gommer les erreurs, Peut-être peut-on "en remettre une couche" et tenter de recommencer, enfin je ne sais pas trop: peut-être qu'en repassant sur la toile avec d'autres couleurs, en donnant d'autres coups de pinceaux, on peut rattraper une erreur et arrive à quelque chose de réussi, quelque chose de toute façon d'inattendu, de pas programmé, qui vous échappe peut-être totalement..

Kadinsky

Voilà le mystère de la création, il faut oser, y aller, donner le coup de burin, le coup de pinceau, le coup de ciseaux. Et risquer de tout rater. Mais aussi de tout réussir. Talent, chance, travail, les trois conjugués

Pour écrire c'est à la fois semblable et différent. Il m'arrive de ne pas poser les mains sur mon clavier(ou mon cahier) pendant des jours de paralysie car la peur des mots qui ne viendront pas est trop forte. C'est une peur qui me rend prisonnière et stérile. Une peur que je surmonte difficilement quand elle m'envahit et me fait me coucher le soir, amère de n'avoir rien pu faire de bon.

Photo Coumarine

Mais dans les jours de grâce, si je me mets à écrire, il m'est permis d'effacer à tout moment et de pouvoir recommencer entièrement un paragraphe ou même un passage entier, parfois absolument stupéfaite de ce qui surgit de mes doigts pressés: comme si le texte naissait à la fois avec moi et de bien plus loin que moi.
Rien n'est jamais définitif, je peux revenir en arrière. (D'ailleurs je n'ai que trop tendance à corriger sans cesse sans être capable de déclarer un texte définitivement terminé

En fait, je voulais parler du courage, de l'audace plutôt, qui préside à chaque acte de création artistique ou humaine, de décision de commencement, de pari sur la vie qu'il nous est demandé de faire à chaque instant.
Engager une relation, décider de mettre un enfant au monde, entamer l'écriture d'un roman, créer une petite entreprise... etc

Et quand les premiers pas sont faits (que la sagesse populaire s'accorde à dire que ce sont les plus difficiles...) persévérer, continuer à croire, même quand l'ado nous en fait voir de toutes les couleurs, quand le roman erre d'éditeur en éditeur sans trouver chaussure à son pied, quand l'entreprise baigne dans les difficultés de la crise, quand la relation s'enfonce dans les incompréhensions et les tensions...etc.

Commencer n'est pas facile.
Continuer dans la persévérance, quand l'enthousiasme du début s'est quelque peu estompé,  ne l'est pas plus.
Et terminer une tâche... et bien ce n'est pas si facile non plus: il faut accepter de lâcher, de tourner la page
Accepter de perdre, de "mourir", de partir
Voilà!


Photo Coumarine

18 commentaires:

  1. "La création ne vient jamais d'un bonheur. Elle résulte d'un manque"
    "Là où on rate, c'est là qu'on réussit"
    "Or c'est un fait,aucun dépassement, aucun franchissement ne s'accomplit sans la souffrance."
    Petites phrases extraites d'un livre qui m'a passsionnée (au point de le lire deux fois d'affilé):"Une saison chez Lacan" de Pierre Rey.

    RépondreSupprimer
  2. La vie aussi est une création, et dieu sait s'il faut chaque jour du courage pour la sculpter à l'image de ce qu'on veut en faire. Du courage, beaucoup...
    emi

    RépondreSupprimer
  3. pour le sculpteur, je sais pas trop...
    pour le peintre, il peut toujours modifier et remodifier... (voir les "repentirs" par exemple).
    et puis je connais une femme peintre qui pratique par beaucoup de superpositions successives qui ne sont pas des ratages ou des corrections, mais qui font partie de son processus même de création.

    sinon, évidemment, sur le fond des choses,comme dit l'autre :
    la création d'une oeuvre : 5 % d'inspiration et 95 % de transpiration...

    j'ai entendu Philippe Djian à plusieurs reprises expliquer qu'il pouvait passer une journée entière sur une seule phrase dont il n'arrivait pas à corriger le défaut qu'il y voyait...
    de quoi décourager une armada de candidats écrivaillons dans mon genre... !!

    RépondreSupprimer
  4. Voilà un billet comme je les aime, il parle au coeur de chacun d'entre nous. Je suis comme toi, j'aime entreprendre, commencer, échafauder, et quand c'est parti, je ne m'arrête plus.Mais les premiers pas sont toujours difficiles, et le plus dur est de se lancer.

    RépondreSupprimer
  5. Terminer veut aussi dire savoir lâcher prise...
    Samedi, je suis allée à un atelier de sculpture sur terre, tu comprendras... ;-)
    Belle fin de dimanche à toi, Coumarine.
    Bisous.

    RépondreSupprimer
  6. @Charlotte...ah! voilà donc un petit livre à découvrir: j'aime ça, découvrir de nouvelles choses!

    @oui Emi, c'est la vie tout entière qui est création
    Elle demande du courage, ça c'est sûr!

    @Alain...en tout cas en ce qui me concerne, mon travail d'écriture me demande 95% de transpiration, si peu d'inspiration
    Mais aussi bcp de passion, sinon je ne le ferais pas
    Quant à ce que tu racontes Philippe Djian...ce n'est pas du travail, c'est un TOC
    A soigner impérativement!!!

    @Célestine...pour moi aussi c'est clair, c'est commencer qui est le plus difficile. Par après je suis lancée et du type persévérante!

    @Françoise...tu fais de la sculpture sur terre? oh! tu dois faire de jolies choses, tu as une âme d'artiste ;-)

    RépondreSupprimer
  7. Y penser longtemps avant, hésiter, et puis se lancer, finalement la création quelle qu'elle soit c'est un peu comme le repassage, faut juste s'y mettre...

    RépondreSupprimer
  8. Conclusion : vivre, c'est difficile.
    Ah, je suis bien d'accord avec ça ! ;)

    (vivre c'est difficile, mais certes, il y a parfois d'"agréables difficultés", heureusement)

    RépondreSupprimer
  9. @mab... justement le repassage, je m'y mets tout aussi difficilement

    @sel...ce qui est amusant, c'est que j'avais mis cette phrase en finale de mon billet, puis je l'ai supprimée ;-))

    RépondreSupprimer
  10. j'écris à l'inspi. comme beaucoup, parfois, au dos d'une enveloppe, au dos de n'importe quel petit morceau de papier trouvé dans mon sac, il m'est arrivée de m'arrêter au bord d'une route pour griffonner vite ce qui était important pour moi et puis... de longs jours de vide, les pensées sont là mais impossible à mettre sur papier... trop intimes, sans doute, trop abruptes certainement, comme tu dis, Coumarine, peur des mots écrits.
    Rester lisse ou presque. pas par lâcheté, mais souvent par Amour.

    La sculpture ou la peinture est une expression de l'esprit pas toujours facile non plus mais quand l'oeuvre est achevée, celui qui la contemple peut y voir ce qu'il veut, il n'est pas influencé par le créateur ! du moins me semble-t'il.

    RépondreSupprimer
  11. "Rester lisse ou presque. pas par lâcheté, mais souvent par Amour."

    Oui je comprends je crois ce que tu veux dire, loulotte...mais alors il faut se "gommer" par Amour? ;-((

    RépondreSupprimer
  12. Tu vas trop vite Coum, pas le temps de réagir qu'il y a un nouveau billet...
    J'aime beaucoup ce billet sur la genèse d'une oeuvre et en ce qui me concerne, je m'étonne d'être impatiente dans tout ce qui est manuel et si patiente avec les mots. Comment expliquer cela? La peur des mots, le vide, jamais connus, mais certainement parce que j'écris en dilletante...

    RépondreSupprimer
  13. Euh, je peux rajouter quelque chose:; souvent, ce que j'écris, je l'ai porté de longs jours en moi... Voilà!

    RépondreSupprimer
  14. @Delphine... oui parfois les billets ont envie de se succéder un peu vite...
    Tu es donc patiente avec les mots, sans la peur qu'ils ne viennent pas?
    Tu es donc dans le pur plaisir... tu me donnes ton truc si tu en as un?(sourire)

    RépondreSupprimer
  15. Mystère du processus de création, qui fait sortir cette part d'intime qui parfois nous surprend, déposé là ! Et c'est alors l'étonnement mais aussi souvent une grande satisfaction.
    Belle journée, Coumarine !

    RépondreSupprimer
  16. Pour te répondre sans expliquer ici,

    oui, jusqu'à se gommer pour ne pas couper le fil, toujours ce fil, si important mais si fin parfois !

    pas facile d'en sortir indemne mais j'accepte d'en payer le prix.

    RépondreSupprimer
  17. Ma pluume était en vacances ... le reste de mon corps et de mon âme en ont profité pour s'offrir de très longues vacances en montagnes... Je reprends mes lectures et m'arrête chez toi. Un vrai plaisir. J'ai juste envie de dire que je crois assez bien comprendre ... Pour moi aussi, un texte, un travail, une création n'est jamais 'terminé'... Le travail n'est jamais fini mais il faut avoir le courage de s'arrêter et lâcher prise. C'est difficile! C'est nécessaire pour pouvoir se donner à d'autres créations...

    RépondreSupprimer
  18. @fcplume..contente de voir revenir l'intermittent du blog ;-))
    Je vais te lire, j'espère que tu vas bien...

    RépondreSupprimer

un petit mot à dire?

LinkWithin

Related Posts with Thumbnails