Ecrire, c'est ajouter de la vérité à la vérité, écrit Françoise Houdart dans son roman "L'amie slovène"
Oui c'est ça, c'est exactement ça!
Il y a la vérité que l'on vit, dans son quotidien, au jour le jour... Celle dont on dit qu'elle est banale et que cela n'intéresse personne.
Et puis il y a celle qu'on écrit, un peu après, ou très longtemps après, comme par exemple l'a fait Primo Lévi.
Et cette vérité qu'on écrit alors va beaucoup plus loin: c'est une vérité qui réfléchit, qui s'interroge, qui interprète, qui range et trie, qui aménage, parfois même qui invente. Qui invente ce qui aurait pu être, ce qui aurait dû être, ce qui se cache bien profondément dans la mémoire, bien plus proche de l'être authentique que la vérité toute plate que l'on vit sans même y faire attention, sans aucune conscience de ce qui se passe.
Ainsi dans mon récit de vie L'enfant à l'endroit, l'enfant à l'envers, j'ai par deux fois donné deux versions différentes d'un même événement. Lequel est le vrai? Quand est-ce que je dis la vérité, quand est-ce que je "mens"?
D'ailleurs est-ce que je mens? ou est-ce que, en écrivant, en traduisant l'événement dans des mots qui réfléchissent sur ce qui est arrivé, j'ajoute de la vérité à la vérité? Je sais théoriquement la version qui est vraie, et pourtant l'autre version quand je l'ai écrite, s'est révélée tout aussi vraie, elle faisait partie de moi, de mes rêves, désirs ou détresses plus vrais que vrais...
Des auteurs de récits de vie sont parfois accusés (surtout par les proches, qui connaissent bien la vérité, càd leur vérité!) de l'avoir travestie, d'avoir inventé, ou carrément d'avoir menti...
Ecrire, mettre en mots, ce n'est pas déguiser ou travestir la vérité, c'est l'habiller de sa version mémorielle, pétrie et colorée de sentiments, ou tout simplement, c'est venir au secours d'une réalité vécue comme trop pénible ou trop plate.
Ecrire pour moi aujourd'hui, c'est tenter de me rassembler dans une vérité qui me dépasse, c'est une affaire de passion.
Une affaire de rage parfois d'être incapable d'enfermer dans des mots basiques, une vérité énorme, qui ne peut contenir l'immensité de mon âme.
J'ai la plume sur le papier, ou les doigts sur le clavier, je suis centrée sur la vérité, mais mon regard et mon coeur sont déjà bien plus loin, tendus vers l'autre vérité, une immense et indicible vérité ...
oui, raconter, c'est mettre de l'ordre, ranger des mots, en choisir certains, en "jeter" d'autres ... avoir la rage de tellement d'autres choses qu'on voudrait dire :-) et la fébrilité (ou est-ce la peur?) parce qu'on espère être bien compris(e)
RépondreSupprimerQue c'est vrai!
RépondreSupprimer"Et cette vérité qu'on écrit alors va beaucoup plus loin: c'est une vérité qui réfléchit, qui s'interroge, qui interprète, qui range et trie, qui aménage, parfois même qui invente."
C'est ce qui m'arrive ces temps en préparant des récits, vraies, mais différentes chaque fois, sur un même chose passé dans ma vie. Que des façons différentes à la raconter!
Non seulement on découvre différentes profondeurs, facettes, mais on voit soi même ce qui était arrivé changer pour nous a la longue.
Heureusement, le travail de raconteur n'est jamais à avoir "une version" a publier.
Grrrrrrr! Un loooong comm d'avalé par la machine encore une fois!!!!!!
RépondreSupprimerJe disais que ton billet me plait tellement... je songe à un billet écrit par Pierre il y a pas longtemps et qui traitait de cette "transformation" que les mots peuvent opérer sur la "réalité objective du fait" (en gros) ça m'avait un peu "heurtée" car je trouvais ça très réducteur et un tantinet négatif...
Dans "ta version" ;) je me retrouve plus dans ce que je pense et perçois de l'écriture intime.
Je trouve d'ailleurs, que ce que tu dis (2ème paragraphe surtout)peut se transposer pour l'oralité. Ce qu'on partage oralement avec ses proches ou autres, en confidences, en mises au point et même en "éclats" parfois! Des gueguerres en naissent, des "offuscations"... qui dit vrai? Qui ment? alors que si on se posait un peu loin de l'ego "meurtri" ou "offensé" on pourrait comprendre que la base est commune (un fait) et que son ressenti (la vérité) dépend simplement du point de vue, du statu et du passif et passé et personnalité de celui qui raconte! L'écriture intime ne peut avoir cette "vérité" complètement objective! Elle est mouvance, espoir, frustration, désir, colère, peine, joie... elle ne peut donc être "figée" elle évolue aussi avec le temps (et tu le dis bien)et les sentiments qui s'apaisent (ou pas) et la raison qui s'en mêle aussi passé l'émotion intense. Alors oui : il y a un fait objectif dont découle plusieurs vérités (selon les points de vue) et des vérités selon les moments de la vie choisis pour le raconter! Tout cela est effectivement un "enrichissement" c'est donner de la vérité à la vérité, dans le sens authenticité comme tu le dis, authenticité de livrer la mouvance et la réflexion intime qui nous habite!!
Cette écriture authentique est un courage et un bienfait. Et au final elle dédramatise (et permet de relativiser) bien des situations alambiquées, bloquées, confuses et tord le coup aux non-dits qui empoisonnent la vie et faussent pour le coup l'expression de notre vérité et même la réalité objective à savoir : "la grande banalité" des sentiments humains...
Bises ;)
Est-ce si important finalement la vérité puisqu'il y en autant que de personnes.
RépondreSupprimerTiens donc , c'est bien analysé tout ça
RépondreSupprimerça me renvoie aussi à toutes ces versions que l'on peut donner d'un même événement , sous toute forme de narration d'ailleurs , écrite ou orale
C'est de l'habillage , avec ou sans flonflons , avec ce que notre mémoire nous a laissé , ou avec le trop peu de souvenirs , alors on puise dans l'imaginaire
J'ai beaucoup aimé cet exercice dans "l'enfant à l'endroit "
et le répétitif " je recommence "
comme un rang posé sur une aiguille que tu détricotes pour le refaire , autrement
J'ai envie de lire ton livre "l'enfant..." tu me dis si on fait comme pour les nouvelles ou si je dois passer par le site? :)
RépondreSupprimerComment ça Julia ?
RépondreSupprimerTu n'as pas encore lu "L'enfant...." ??
mais, mais mais.... tu ne sais pas ce que tu rates !!
(c'est pour sourire)
Sur le fond de cette entrée magistrale, je reviendrai plus tard....
là, j'ai des trucs à faire qui zurgent !!
(mais non c'est pas une envie de.... :-) )
je crois bien qu'il y a une forme de rage de l'écriture, une rage ou une tension peut-être. c'est ce que je remarque aussi quand je lis. Une tension vers l'impossible...c'est à la fois une tension et la résolution de cette tension. qui crée un apaisement. enfin, c'est la littérature que j'aime : celle qui apaise mon impossibilité d'être en me donnant à lire qu'il existe une vérité profonde au delà des apparences... (un truc comme ça) mais je ne fais que paraphraser ce que tu dis mieux que moi... biz' bonne journée.
RépondreSupprimer@Adrienne... je vois qu'on se comprend...;-)) rage et fébrilité...oui ça me connaît!
RépondreSupprimer@Julie70 bienvenue... c'est vrai raconter un même événement, à quelque temps d'intervalle, permet parfois de le voir très différemment!
@Julia... oui à la suite de son billet, j'avais écrit à Pierre cette phrase de Françoise Houdart, et qui correspond tt à fait à ma façon de voir les choses en ce qui concerne l'écriture de l'intime...
Je suis assez soufflée de la façon dont tu réexprimes à ta manière ce que j'ai voulu dire: je vois écrit noir sur blanc l'idée que j'ai voulu faire passer... c'est magique!
Envie de tout citer... mais ce serait refaire un doublon! J'espère que tous ceux qui entrent ici te liront
Pour mon livre, oui je te maile (d'ailleurs je dois répondre à ton mail...je veux prendre mon temps pour ça!)
(le livre de Alainx est dans le même style: un récit de vie qui va au plus profond de l'authenticité de l'intime...;-)))
@mab... oui c'est la vérité de la personne qui importe finalement!!
@jeanne... le "je recommence" c'est chaque fois un essai qui prouve ma bonne volonté d'être au plus près de ma vérité... certains me l'ont reproché, cette phrase refrain!
Mais elle rappelle le titre bien sur, choisi en connaissance de cause ;-))
@Alainx... j'espère que les trucs zurgents que tu as à faire te permettront de revenir commenter cette entrée que tu dis "magistrale" (oups!!;-))
@Miss K... la rage, oui, la rage, je crois que tu la connais aussi...cette tension vers ce qui apparait comme impossible...et pourtant tellement indispensable pour vivre...oh lala!
Je t'ai lue ce matin...
RépondreSupprimerEn lisant ton billet me vient une question : Qu'est ce que la vérité ?
En lisant ton billet, je me rends compte qu'il n'y a pas de vraie vérité, que la vérité est un regard, une émotion.
Je viens de finir ton livre : Les dessous de tables.
Je dois dire que j'ai trouvé tes nouvelles magnifiques de par leur violence, la pudeur de leur nudité. De la Coumarine comme je m'y attendais. Ta Putain romantique au grand coeur m'a particulièrement touchée, émue, bouleversée, dérangée.
Ton bouquin est en parfaite osmose avec ton billet en fait.
Je t'embrasse fort.
Vraiment bien dit. Je crois que la vérité n'existe pas car elle change à chaque instant, grossie par les apports extérieurs et intérieurs. l'écrivain n'est pas là pour dire la vérité mais pour donner à penser et à ressentir. Amitiés.
RépondreSupprimerTrès bonne analyse, Coumarine pour arriver à l'éternel question: Qu'est ce que la vérité? Quelle différence entre vérité et sincérité?
RépondreSupprimerQuelle différence entre authenticité et vérité?
Dans les histoires de famille, chacun des membres de la famille prétend détenir la vérité contre celle des autres . C'est très particulier. Je ne crois pas qu'on peut accuser les autres de mentir car en toute sincérité ils croient à ce qu'ils disent même si c'est faux. A mon avis chacun s'arrange avec la vérité surtout avec la sienne dérangeante, celle qui oblige à se regarder en face et en douleur, à se remettre en question.
J'aime bcp ton texte Coumarine.Très intéressant. Dans beaucoup de domaines je n'ai pas besoin de connaître la vérité.Je ne suis pas une maniaque de la vérité!
J'aimerais pourtant me connaître en toute vérité une fois pour toute!Mais là je rêve...
bon,le premier com a buggé, je viens de me délester de mes dernières neurones de la journée ! :p vérités éphémères, fluides, intarissables, muettes, rageuses, légères, dithyrambiques, l'écriture est la vie de l'âme en somme !bizz
RépondreSupprimerPs : est ce normal qu'apparaissent des pubs quand je clique sur quelque chose lié à ton blog? Cela ne le fait pas pour les autres?
La vérité que l'on voit avec son propre prisme n'est pas nécessairement la vérité de l'autre. Un beau sujet de dissertation que le vrai.
RépondreSupprimerSans parler de ces religions qui s'octroient le pouvoir de détenir la Vérité...
@ Ella B. : je suis dans ce cas là aussi...
@Li...envie de réagir à tes impressions au sujet des Dessous de table... je suis contente que tu y retrouves la Coumarine que tu pressens!
RépondreSupprimerTu sais, la nouvelle que tu as aimée, c'est ma préférée...j'aime cette putain au grand coeur et si sensible...
@Ariaga... non l'écrivain n'est pas là pour dire la vérité, mais, comme tu le dis si bien, pour donner à penser et à ressentir...
@Charlotte... voilà bien l'origine des malentendus familiaux: " car en toute sincérité ils croient à ce qu'ils disent même si c'est faux."... tout à fait vrai ça!
@Ella merci d'être revenue malgré ton com avalé... blogger déraille assez souvent pour le moment, il faut surtout pas oublier de faire un copié-collé avec de publier... si ça bugge, on récupère le long commentaire! ouf!
Je ne comprends pas cette histoire de pub... j'ai allégé tout au minimum... d'où viennent ces pubs intempestives?
@Naline...tu parles des pubs aussi? ZUT de zut!
En effet les religions sont toutes les championnes de la vérité!!!
«Ce n'est pas pour devenir écrivain qu'on écrit. (…) C'est pour rejoindre le sauvage, l'écorché, le limpide.» Christian Bobin, La part manquante.
RépondreSupprimer@Vertumne.. oh! comme j'aime cette citation! Oh! comme il dit bien les choses Bobin...
RépondreSupprimermerci!
question : écrire ICI ... ??? n'est-ce pas pour rejoindre l'autre là où nous sommes pareils ???
RépondreSupprimerTa réflexion ne fait que confirmer ce que je pense depuis longtemps : il n'y a pas une Vérité qui s'impose à tous, mais bien des vérités que chacun soutient en fonction de son vécu, de sa sensibilité, de sa mémoire...
RépondreSupprimerEt les drames surviennent en général quand on est intimement persuadé d'être seul détenteur de La Vérité Vraie !
Pas de quoi, Coum. Y a qu'à demander…
RépondreSupprimerBien réel, tout ce que tu dis Coumarinette. Je suis en plein "dedans" et je me demande où ce récit va me mener. Enfin, il s'agit surtout de cheminer.
RépondreSupprimerLe collectif sur l'Ecriture intime m'aide énormément. Il ouvre des pistes nouvelles.
Je te fais un tout gros SMACK !
Tu as raison, l'écriture c'est la décoration d'un appartement, l'assemblage d'une toilette, une touche de maquillage, un bouquet de fleurs sur la table....
RépondreSupprimertu sais Coum, je crois que j'ai besoin de parler avec toi de ce sujet, parce qu'il me concerne en ce moment... Hier, j'ai découvert ton livre dans la boîte aux lettres. J'ai beaucoup aimé chacun des titres. (fais le paiement demain sans faute). Surtout continue!
RépondreSupprimer@Miss K... je ne comprends pas très bien ta question...
RépondreSupprimerJe dirais que écrire, même le perso , c'est aussi rejoindre l'universel...
@liaht, je ne peux qu'être d'accord avec toi concernant les drames (qui vont jusqu'aux guerres)quand chacun est persuadé de détenir LA vérité!
@Vertumne, merci, je sais que je peux compter sur toi ;-))
@Filo... je trouve aussi que ce collectif sur Les écritures de l'intime est varié, dense et riche.Il aborde toutes sortes de sujets différents et complémentaires...
@marie-madeleine... j'aime bien la métaphore que tu utilises pour qualifier l'écriture...
@Delphine, c'est quand tu veux ou tu peux...
Le livre est bon, comme je le dis à Filo un peu plus haut... merci pour le paiement!;-))
Oui mais la vérité change, notre vérité change, selon le moment, l'humeur. Je n'aurai pas la même interprétation d'un évènement selon que je suis triste ou gaie, par exemple. Pas la même interprétation à 30 ans qu'aujourd'hui...
RépondreSupprimerC'est peut être pour ça que tu as l'impression que la vérité te fuit. Parce qu'elle est trop multiple pour être saisie en une fois et figée dans des mots. Et c'est pourquoi aussi tu écris encore...