Chaque fois que je suis allée jusqu'à la mer, j’ai regardé les vagues qui dansaient.
Parfois, elles venaient doucement lécher mes pieds nus, puis repartaient aussitôt vers le large dans leur mouvement perpétuel.
D’autres fois, elles grimpaient haut... très haut, coléreuses et bruyantes, avant de retomber dans un fracas d'écume rageuse
Et j'ai tellement aimé les vagues que j'ai voulu un jour en ramener une à la maison.
Pas pour moi non, pour la partager avec les autres, la famille, les voisins, les amis.
J’ai crié : regardez mes vagues, comme elles sont belles! Regardez! Elles lèchent les pieds nus, elle grimpent haut dans le ciel en colère... regardez mes vagues comme elles dansent...
Mais la famille, les voisins, les amis m’ont regardée avec des yeux déconcertés
J'avais juste ramené de l'eau... Rien qu'un peu d'eau qui glissait au travers de mes doigts offerts...
Cette petite histoire évoque à ma manière la valeur omniprésente qui a animé et anime encore chacune de mes journées, chacune de mes nuits : une valeur qui ne se capture pas dans des statistiques, ou dans des contenants formatés, étiquetés, qui ne se mesure ni en chiffres, ni en volume, ni en rendement, ni en efficacité.
C’est l’amour qui a coloré tous mes engagements, du moins je l’ai voulu comme ça, ardemment, même si parfois je me suis trompée de cible, même si parfois j’ai ramené de l’eau plate, au lieu des vagues ourlées d’écume, étincelantes de soleil…
C’est l’amour qui a conduit chacun de mes actes tout au long de ma vie, l’amour pour les autres, amputé c’est vrai, bien trop souvent, de l’amour pour moi-même, qui restait une eau timide, fuyant au travers de mes doigts impuissants.
C’est l’amour qui a entouré consciemment tous mes faits et gestes dans mon quotidien de femme, d’épouse, de mère, et dans mes projets semés au grand large (dont celui d’auteur et d’animatrice d’ateliers d’écriture)
Un amour banal et pourtant fécond, j’en suis sûre. Un amour miniature dans ses tout petits riens, tellement petits que les vagues écumantes semblaient gommées par cette eau quelconque qui me filait entre les doigts.
Un amour si peu visible parfois à mes propres yeux, que j’en perdais la trame et même le sens au long des nuits sans sommeil, au long des cauchemars interminables, des interrogations existentielles qui tiennent éveillés et laissent hagards au petit matin.
L’amour dans tous mes engagements professionnels. Vàv de mes élèves au début de ma vie de prof, auxquels inlassablement je tentais d’ouvrir les portes des univers inépuisables des grands écrivains et poètes. J’ai toujours cru que l’art, la créativité, l’accès à la beauté des mots ou des images, leur permettrait de se trouver, de trouver l’essence de leur moi profond. Qu’en se penchant sur les autres et le monde, ils et elles traceraient leur chemin vers plus de compréhension et donc de véritable tolérance et respect pour celui qui ne leur ressemblait pas.
L’amour aussi dans l’animation de mes ateliers. J’y crois. J’y mets toute ma fougue, je me donne à fond. J’ai toujours cru que le regard respectueux que je porte sur les participants à mes ateliers, même les moins doués, leur ouvre un chemin vers la créativité qui trace en eux son sillon, et dont eux-mêmes ignorent parfois la présence, découragés qu’ils sont au bord de leurs pages blanches. Ce regard que je porte sur chacun d’eux leur permet souvent de se réconcilier avec eux-mêmes quand ils ont perdu la foi dans ce qu’ils font et leur permet de jeter des ponts entre eux et les autres, à la fois si proches et si uniques.
Mais l’amour qui me guide soutient en même temps l’exigence, la fermeté dans mes engagements.
Il ne s’agit pas d’un amour de bonbon sucré où tout serait facile, permis ou cautionné au petit bonheur la chance.
Non, bien sûr que non !
L’amour dont je parle est interpellation directe, ferme et parfois sévère, mais oui ! vers le meilleur de soi, de l’autre, sans lequel rien de solide ni de constructif ne peut jaillir.
L’exigence est la seconde valeur qui m’a guidée fidèlement dans mes engagements, inséparable de la première, l’amour. La fermeté dans l’exigence, et donc la confiance dans le meilleur de l’autre et que ce meilleur, parfois contre toute attente, peut surgir comme une source timide, ou comme une vague grandiose et triomphante. Ce sont alors des moments d’intense bonheur ! Pour moi, pour l’autre, pour les autres…
Et en même temps, j’ai cultivé la valeur de l’infinie patience. La patience qui continue à croire envers et contre tout, croire que quelque chose naîtra, après une gestation dont je ne tire pas forcément les ficelles. Patienter…patiemment, dans l’attente vigilante que le grain germera, que le bourgeon éclatera,
Patienter, ne pas tirer sur la pousse fragile, lui laisser le temps de sa propre croissance, patienter dans le respect du rythme de chacun, y compris le mien, il faut du courage pour cela, de l’espérance…je ne l’ai pas toujours eu, j’ai douté parfois, je me suis découragée, j’ai abandonné aussi.
Patienter encore et toujours en sachant que peut-être je ne verrai pas la fleur que donnera le bourgeon paresseux. Que peut-être quelqu’un d’autre récoltera le fruit savoureux…
Croire quand même, croire obstinément que, dans l’eau qui s’échappe stupidement de mes mains, suscitant alors moqueries ou silences consternés, une vague et son écume vivante se cache, et qu’un jour elle jaillira dans sa splendeur.
Croire encore et encore
C’est évident que la foi dans ces conditions peut sembler entêtement stérile: tant pis pour ceux qui le pensent
Mille fois, j’ai préféré m’entêter de cette façon que de me résigner dans l’indifférence, que de laisser l’ardeur de mon feu intérieur sur le bord de la route comme un voyageur inutile, sans but, sans destin…
Pour ceux qui ont le courage de me lire jusqu'au bout, demain le 4 octobre, je fête les 6 ans de ce blog (commencé sur l'hébergeur canalblog) J'ai voulu faire une sorte de bilan en ce que je crois, qui a inspiré ma façon d'agir, et aussi d'écrire sur ce blog comme dans les écrits publiés.
On dirait presque que c'est un chant du cygne... qui sait...?