lundi 29 mars 2010

L'écriture de l'intime

Il m'est difficile de rapporter dans le détail, cette rencontre de samedi qui avait comme sujet "L'écriture de l'intime"
Essentiellement parce que c'était une table ronde, qui supposait les réactions des participants, au fur et à mesure des cinq courtes interventions des présentateurs.

Mes impressions sont diffuses...j'ai essayé hier de les rassembler dans un billet cohérent, je n'y suis pas réellement arrivée...
La plupart des personnes présentes étaient concernées personnellement par une écriture de l'intime, soit parce qu'elles ont publié un récit de vie, soit parce qu'elles participent à des tables d'écriture autour du récit de vie... (J'étais la seule à connaître l'écriture du blog, qui, dans le cas du journal intime consiste en dévoilement de quelque chose de soi, immédiatement "livré en pâture" à la Toile ). 

Elles savaient donc pour l'avoir vécu elles-mêmes ce qu'il en est de se dévoiler, de dévoiler de l'intime, par exemple un secret de famille, évidemment un point délicat de la problématique . On a parlé à ce sujet de Emmanuel Carrère qui a transgressé l'interdit maternel en écrivant Un roman russe. Il y raconte le secret de famille qui a hanté sa vie, tout autant que sa vie d'écrivain. Ce fut une nécessité absolue pour lui de se défaire d'un secret mortifère, pour lui, pour sa famille, pour ses enfants. Et pour lui en tant qu'écrivain, afin de sortir des thèmes sombres qu'il avait abordés jusqu'alors.

Et ce qui m'a semblé intéressant de rappeler, c'est que l'écrit  est comme une autre langue qui peut organiser les dévoilements de l'intime en une "oeuvre littéraire" susceptible du même coup d'en toucher beaucoup...
L'intime sort alors de l'exhibitionnisme, ou du nombrilisme, pour rejoindre l'humain universel, qui touche d'autres intimes, d'autres ressentis à la fois semblables et différents.
Et c'est là que réside l'incompréhension qui a surgi entre mes frères et moi à propos de mon livre. J'ai voulu faire "œuvre littéraire", passer à une autre langue. Mais eux m'ont lue comme si je leur parlais la langue de tous les jours, la langue de notre enfance et les mots que j'ai utilisés, ils les ont rejetés comme faux ou indécents...

Au fond qu'est-ce qui séduit dans un roman? Un récit autobiographique?(ou dans un blog?)
C'est que, quand on referme le live, on ne se sent plus le même, c'est que, touché par l'humanité vulnérable d'un autre, on se sent rejoint  par lui, on se sent grandi dans sa propre humanité
On referme le livre (ou la page du blog)  avec des questionnements...
Finalement les questions sont plus importantes que les réponses, qui sont toujours entachées de l'orgueil de détenir LA vérité!

En vrac et rapidement, quelques pistes de réflexion supplémentaires
Le privé n'est pas l'intime
Le privé s'oppose au public et concerne l'avoir: on dira d'une propriété qu'elle est privée
L'intime concerne l'être, le ressenti: on ne dit pas d'une propriété qu'elle est intime

Intime vient du mot latin intimus, qui est le superlatif de interior.
Son sens est donc l'absolument personnel, intérieur, donc secret, caché à la vue ou à la connaissance de tout le monde

L'intime est de l'ordre du sacré, càd ce qui ne peut être profané. Est profané ce qui est mis à l'extérieur du temple. La lecture d'un journal intime par qui n'y a pas droit, est toujours ressenti comme un viol. (une profanation)

Mais le sujet peut choisir de partager son intime dans une relation de confiance mutuelle. Dans ce cas il ne s'agit pas d'exhibition, ni de viol,  mais de partage dans la confiance.

Chacun décide de jusqu'où et comment il décide de se dévoiler. C'est particulièrement vrai sur la Toile. Il me semble que ceux qui dévoilent beaucoup d'eux -mêmes sur des sites de socialisation par ex, ne dévoilent pas grand chose de leur intime, de leur ressenti profond


Photo Coumarine

16 commentaires:

  1. Et ton billet me fait penser à l'ouvrage de Frank Andriat, Avec l'Intime.
    Belle soirée, Coumarine !

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  2. Tout dévoiler serait se mettre en danger dans une trop grande "nudité". Ce serait aller au casse-pipe. On est facilement jugé sur un blog, souvent dévoiler un peu plus de soi c'est déjà être soupçonnée d'impudeur. Il faut prendre garde aussi à ne pas transformer son lecteur en voyeur...tout est question de mesure, d'équilibre fragile entre ce que l'on peut écrire ou pas.


    Bonne soirée Coum

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  3. Je trouve très intéressant ce que tu dis à propos d'une oeuvre littéraire pour le dévoilement de l'intime, surtout s'il peut rejoindre l'homme universel.
    C'est un peu ce que tu as fait avec ton deuxième livre. Et les critiques de proches que tu as dû subir étaient parce que vous n'étiez pas du tout sur « la même planète »...
    En même temps, cela pose la question de la communication...
    Tu évoques l'universel, il faudrait aussi évoquer le langage commun, au sens d'être d'accord sur le type de langage employé.
    Entre l'auto fiction partiellement inventée, l'histoire personnelle réinterprétée et l'autobiographie du type rapport de police et procès-verbal d'audition... (Ce fut tel jour, à telle heure est à tel endroit précis que je lui ai donné mon premier baiser à l'angle inférieur droit de la bouche...) Il y a toute une gamme des possibles...

    En tout cas, ton expérience de publication et tout ce que tu as pu en partager, ont été et sont pour moi des sources d'éclairage pour mes propres travaux.
    et de cela je te remercie.

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  4. Il y a beaucoup à répondre à ce billet. J'aime bien le ton de cette communication. J'aime bien l'envol de ton nouveau blog, ou plutôt de ce nouveau tome de ton blog.

    Parfois, dans une même fratrie, on perçoit tout de même différemment un parent. D'un frère (ou d'une soeur) à l'autre - même s'il y a une petite différence d'âge, la différence peut être énorme. D'où l'intérêt de l'écriture, qui place les choses sur un autre plan, sur un plan supérieur ou autre / dans le sens de "alter"

    Sinon, qu'est-ce que j'aime dans un roman? La plongée dans un autre univers, un univers qui me séduit, un univers que j'aime, qui devient mien, qui devient ami... Dans un récit autobiographique (ou une biographie) ? L'intérêt pour la personne. Comme dans l'amitié, la découverte des affinités.

    Et dans un blog, ce dernier aspect est encore plus important. Il y a même un moment où l'espoir de l'amitié prend le pas sur le reste, je suis sensible au côté littéraire, certes, mais un superbe blog superbement bien écrit est tout de même moins important à mes yeux que ce petit quelque chose... Quoi? D'indéfinissable, qui me fait aimer la personne qui l'écrit.

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  5. @Naline...oui Andriat utilise ce termed'intime. Mais avec un sens spécifique: l'intime est le souffle au plus profond de soi, càd l'Esprit///

    @Chris... oui je sais que tu t'es plus d'une fois mise en danger par une (trop) grande nudité. Et que tu en as souffert pas mal, au point de fermer un ou même plusieurs blogs...
    Mais peut-être est-ce dû à ta grande sensibilité... (ce n'est pas un reproche, bien au contraire, c'est la reconnaissance d'une belle qualité)
    Le lecteur ne peut pas nous reprocher de le transformer en voyeur...il est libre de refermer la porte du blog sitôt ouvert...
    Mais tu sais Chris, je viens encore d'avoir la confirmation auj encore que des gens de l'extérieur me lisent et je ne le savais pas.. c'est vraiment bizarre!

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  6. @Alain... tu reprends trois façons de raconter "l'intime" qui me semblent importantes. Je te cite:
    "Entre l'auto fiction partiellement inventée, l'histoire personnelle réinterprétée et l'autobiographie du type rapport de police et procès-verbal d'audition.."
    Je crois que mon livre entre dans la 2ème catégorie
    Et comme je l'ai dis (et tu le relève) j'ai explicitement voulu faire oeuvre littéraire, dans le plus beau sens du mot.
    Et du coup (je me répète là, mais c'est vraiment important pour moi de le dire et le redire), je n'ai pas parlé la langue de mon enfance, mais celle de l'écrivaine que ce livre me faisait devenir...
    Je n'ai pas fini de me poser des questions sur le bien fondé de parler de son intime, de faire un récit de vie, d'écrire un roman autobiographique...


    @Pivoine... tu reprends ce concept important de l'écriture littéraire qui replace l'intime sur un autre registre... on se comprend là!
    Sinon ce que tu racontes au sujet des attentes que l'on peut avoir vàv des blogueurs...la découverte des affinités///
    Dans mon essai sur les blogs, j'écris qu'on tombe amoureux des mots d'une personne; je crois ça très très vrai!
    merci pour ton commentaire très intéressant, sur un sujet un peu sévère, mais qui me tient à coeur

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  7. Je reviendrai quand je serai mieux réveillée, c'est très intéressant ce que tu dis là.

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  8. Moi, ce que j'aime bien sur la toile c'est justement qu'elle permet de ne livrer que ce que l'on veut ! On peut suggérer, se dévoiler un peu ou beaucoup, se mettre tout nu si on le souhaite.... On peut aussi y sévir de manière anonyme ou presque...
    Et quand je vois le niveau de ce que j'écris parfois, je préfère que personne ne puisse me reconnaitre !!!

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  9. La distinction que tu établis entre le privé et l'intime me paraît très intéressante, de même que ce que tu dis à propos des sites de socialisation et de la façon dont leurs utilisateurs semblent s'y afficher, mais semblent seulement...

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  10. Voilà un texte qui pousse à réfléchir.
    Pourtant je ne trouve pas aisé de le commenter.

    Alors plutôt que de commenter mal, je vais attendre d'avoir une idée plus claire sur la question.

    Mais c'est un très bon texte.

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  11. Quand j'écris des "fictions", elles sont nourries par ma vie, ce que j'ai vu, fait ou entendu. Quand j'écris ma vie, je m'autorise toute liberté : enjoliver, romancer, broder, noircir. Pour moi, l'acte d'écrire c'est donc révéler une part de mon intimité, de ma sensibilité. Quand je lis le texte d'un blog, je garde à l'esprit que le blog est une vitrine qui donne à voir ce que souhaite l'auteur, sans obligation de véracité, mais qui montre malgré tout parfois beaucoup plus que ce qui est écrit.L'intime est au-delà de la vérité.

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  12. @mab..reviens quand tu veux, réveillée ou pas... ;-))

    @liaht... je me souviens d'un te tes billets dans lequel tu affirmais ta décision irrévocable de rester absolument anonyme, justement pour garantir ta liberté
    C'est un paradoxe, mais qui fait ses preuves sur le Net;-))

    @Pascale, il est clair que sur les sites de socialisation, même si on "parle" et on montre bcp de soi,en fait on ne se livre pas vraiment...

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  13. @Louloute... il n'y a pas de bon ou de mauvais commentaire, il y a le commentaire de chacun, comme il le pense
    Moi je suis contente que tu te manifestes...

    @Berthoise, oui même les fictions les plus fictionelles, issues de notre imaginaire (et pas de celui de notre voisin,) contiennent une bonne part de nous-mêmes
    C'est parfois le seul moyen qu'on a d'exposer au grand jour des choses de nous-mêmes...

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  14. chère Coumarine, je m'arrête ici. Il est vrai que même si je te lis je laisse de rares commentaires...raisons multiples dont l'une principale est de ne pas trouver les mots qui pourraient vraiment exprimer ce que je ressens et éviter des flatteries qui seraient répétitives même si au fond de moi, je t'assure elles seraient sincères...mais je m'éloigne du au texte que j'ai lu plus haut.
    tu sais, un jour j'ai écrit que quelque soit le journal intime...public ou seulement pour soi, il y a toujours un frein à être totalement sincère parce que beaucoup de choses entre en jeu comme le poids de l'éducation, les tabous que l'on insère dans sa vie ou que l'on t'a insérés et peut-être aussi des guérisons que l'on refuse, que l'on rejette alors les mots ne sortent pas. Je ne sais si je raisonne juste ou raisonnable mais c'est le sentiment que j'ai. Voilà chère Coumarine, suis bien contente de voir que tu poursuis l'écriture...beaucoup de tes textes me font réfléchir. Amitiés de Génovefa

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  15. "touché par l'humanité vulnérable d'un autre, on se sent rejoint par lui, on se sent grandi dans sa propre humanité", oui, c'est ça, c'est tout à fait ce que je ressens lorsqu'un billet me touche... merci de l'avoir exprimé pour moi...

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  16. merci Brizou de ton passage ici...

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