jeudi 28 mars 2019

Prendre la main

Le neurologue français Raymond Garcin faisait remarquer: "la base de la médecine, c'est l'amour" et citait la réponse du Prix Nobel de médecine Charles Nicolle à un de ses collègues déplorant l'abattement moral de son patient: "Lui avez-vous pris la main, au moins?"
Ce dévouement, cette bonté, cette humanité qui affleurent dans un cri du coeur teinté de reproche, combien de médecins les mettent-ils en pratique aujourd'hui?

Elisabeth Quin, in La nuit se lève, Grasset, p.116

J'en ai rencontré des médecins de ce type, soucieux d'être ce pilier de bonté qui permet au patient de garder son courage, qui prennent le temps qu'il faut pour répondre à ses questions, de le regarder dans les yeux, au delà de leur écran d'ordinateur... Et la main qu'ils/elles prennent est une main de Bienveillance et quel bien ça fait!

Mais il y a aussi celles et ceux qui sont complètement déconnectés de leur humanité, soucieux uniquement des gestes médicaux techniques qu'ils se doivent d'accomplir et dont le maître mot est: vitefaitbienfait et au revoir madame, revenez dans 4 mois!



mardi 26 mars 2019

La nuit se lève de E.QUIN

Je viens d'achever la lecture d'un livre qui m'a énormément touchée
Il s'agit de "La nuit se lève" de Elisabeth Quin
Elisabeth est la journaliste responsable du 28minutes sur Arte, tous les soirs de 20h05' jusque 20h55'

C'est une sorte de journal d'actualité et d'opinions avec des interlocuteurs invités par Elisabeth Quin, tous (enfin le plus souvent) intelligents de coeur
Tous les soirs ou presque, je suis là à regarder cette émission, et c'est rare:
1) que je n'ai pas appris quelque chose
2) que je me suis ennuyée ou que sais-je!

Donc l'animatrice de cette émission est Elisabeth Quin, qui la mène de main de maître, sympathique petit bout de femme
Et voilà qu'elle vient de publier chez Grasset ce livre que j'ai dévoré
Il est là, à côté de moi, et je le prends et relis sans cesse l'un ou l'autre passage

Pour tout vous dire, je reconnais quasi mot pour mot, ce qu'elle dit à propos du déclin de ses yeux!
Elle est atteinte d'un double glaucome....!
Elle voit comme avec des œillères, son champ de vision se réduit: plus possible de conduire la nuit

Elle parle de ses ressentis: la peur de devenir aveugle, ce qu'on lui promet à plus ou moins longue échéance (elle espère bien sûr la plus longue possible...)

C'est une femme très cultivée, qui est allée chercher dans l'actualité, dans l'art, la littérature,  les personnes qui ont perdu la vue complètement ou d'un œil, elle explore leurs ressentis, s'inquiètent de la façon dont elles s'en sortent (ou pas!)
Bref un bouquin passionnant! Pour moi en tous cas!
J'ai été à la découverte de toutes les videos où elle est interrogée à propos de son livre et de son problème oculaire, forcément pas facile à vivre quand on est journaliste de télévision, regardée par tous les téléspectateurs, sans à son tour les voir
Interviews tous plus passionnants les unes que les autres.




mardi 19 mars 2019

"jeter un œil"? Jamais! Même pas pour faire plaisir!

J'ai cherché ce matin des expressions contenant le mot "oeil".
J'en ai trouvé 14.
J'ai mis de côté celles ou ce mot est utilisé au pluriel: ceux qui me connaissent un peu sauront pourquoi ;-)

14, c'est beaucoup quand même!
Par exemple:

- ne pas fermer l'oeil de la nuit (pourquoi l'oeil, et non les yeux?)
- faire de l'oeil à quelqu'un (de l'oeil? de quel oeil?)
- jeter un coup d'oeil (aie, ça fait mal pas trop fort!)
- avoir bon pied, bon oeil (ça va souvent ensemble, non?
- tourner de l'oeil (et quand l'oeil tourne sans avertir, ben on tombe!)
- ouvrir l'oeil (et le bon hein! Oui! le bon, l'autre est foutu!)
- manger à l'oeil (ohhhhhh comme c'est vilain!)
- à vue d'oeil (c'est pas à vue de pied bien sûr!)
- obéir au doigt et à l'oeil (et en avant, que cela saute!)
- se mettre le doigt dans l'oeil (jusqu'à l'omoplate me disait-on en riant quand j'étais enfant!)
- garder à l'oeil ou avoir à l'oeil (et ce bon serviteur  ne laissera rien passer!)
- oeil pour oeil, dent pour dent (et vlan!)
- avoir le compas dans l'oeil (ben dis donc, ça ne doit pas être facile de le garder dans l'oeil!)
- mon oeil! dit-on quand on se moque de ma vantardise!

Il y en a sans doute encore, mais mon oeil ne les a pas repérés. Pas encore du moins car vous me donnerez d'autres exemples, j'en suis sûre!


mercredi 13 mars 2019

Le cadeau de la sérénité!

Ton regard s'attarde sur tes bras et tu contemples la catastrophe: tes bras à la peau autrefois si douce, si fine, se sont mis à frissonner comme la plage au matin après que les vagues gourmandes se sont repliées au loin.
Et ne me dis pas que ces frissons rendent la plage vivante. Que sans eux, elle serait plate et morne. Que ces frissons retiennent les plus beaux coquillages que les enfants viendront cueillir comme de précieux trophées.
Et ne me dis pas que ces frissons ressemblent à s'y méprendre à ceux qui allument l'eau vive de l'étang qui se met à vivre sous la caresse de la lumière. Que ces frissons accompagnent la nage insouciante et joueuse des canards et des mouettes.

Pardon ? Tu me le dis quand même ? Maigre consolation, car des frissons restent des frissons et je peux te dire qu'ils risquent de s’amplifier dans les années qui viennent, de virer en remous de tempête dévastant tout sur leur passage
Et dis-moi, je t'ai vue ce matin et hier et avant-hier prendre tes seins en berceau et les relever quelque peu pour les arrondir de jeunesse.
Et quand tu t'observes nue dans le grand miroir de la chambre, tu fermes les yeux en découvrant navrée les plis de ton ventre de femme : il s'est gonflé à en craquer à quatre reprises pour accueillir et bercer dans son eau matricielle quatre petits corps qui ont là squatté sans vergogne : trente-six mois d'occupation, c'est beaucoup quand même!

Tu me chuchotes que je suis jolie encore, que je fais jeune encore. Je déteste ce mot: ENCORE!
Encore... Oui, Merci! je prends la mesure de ma chance

Et puis... mes yeux qui pétillent... enfin qui pétillaient, puisqu'il y en  un des deux qui a crié forfait!

Tu vois? dans mon corps de femme mûre, il y a toujours une petite fille qui n'a pas eu le temps, ni la permission de jouer, de rire et de se construire de beaux souvenirs d'enfant heureuse. Si peu de souvenirs, tu te rends compte?



Mais peut-être se sont-ils inscrits dans tous les frissons de ta peau douce et qu'il suffirait de les effleurer, de les caresser pour qu'ils te parlent et te fassent le cadeau de la sérénité?

samedi 2 mars 2019

C'est moi... et ce n'est pas moi !

Je vis.
Je mange, respire, marche, accomplis au jour le jour les gestes ordinaires de ma vie ordinaire.
J'attends le métro, monte dans le métro, marche dans la rue, rencontre l'une ou l'autre personne, anime mes ateliers. Je fais au jour le jour ce que je dois faire.
Je lis, j'écris, je réfléchis sur ma vie, sur ce que je vis, j'écris penchée sur mon cahier, ou bien droite devant mon PC.

Je suis dans ma vie, au jour le jour, complètement immergée dans cette journée.
Je ne me vois pas.
Je suis à l'intérieur de moi. Ma voix, je l'entends dans ma tête. Je sais quand je souris, quand je ris, quand je baille, mais je ne me vois ni rire, ni sourire, ni bailler
Je vais vers l'autre. Je l'embrasse, me serre dans ses bras, prends un enfant sur les genoux. L'autre me regarde. Il me voit. Il voit que je suis bien ou mal coiffée, maquillée ou non, il voit mon dos, il voit mes fesses. Je vois ses yeux qui me regardent et me sourient, étonnés ou taquins, ou indifférents, ou distraits.
Moi, je ne me vois pas. Certainement pas mon dos, encore moins mes fesses. Juste le devant de mon corps quand je baisse la tête. Je me vois de l'intérieur de ma tête...

Soudain, tout change...
Je suis devant mon miroir de la salle de bain (Il est de bonne composition celui-là, par contre celui du coiffeur, il ne m'aime pas, oh non!)
Je vois là une personne. Une femme. D'un certain âge, avec des rides et des sillons. Avec un sourire, et des yeux que l'on dit pétillants.
Je sais bien que c'est moi. Je n'en doute pas une minute.
Impression étrange d'être projetée soudain en dehors de moi, en dehors de mon corps, de mon visage, à m'observer comme je le ferais de n'importe quel vis-à-vis.
C'est moi, c'est bien moi. Pas de doute. Et... ce n'est pas moi...
A l'intérieur je me sens différente de ce que je vois dans le miroir. Celui-ci m'emprisonne dans une image de moi que je ne suis pas sûre de reconnaître. Là je suis cadrée, je ne dépasse pas les limites de ce corps que j'aperçois dans mon reflet
A l'intérieur de moi, au contraire, je me sens parfois si immense, sans frontières, sans frein, je peux partir et vagabonder où bon me semble, sans que nul ne le soupçonne. Je peux partir dans l'infini de mes espaces intérieurs, et je ne m'en prive pas...ou au contraire, me recroqueviller dans un tout petit coin de ma tête lilliputienne toute petite toute petite. Ça dépend des jours. De mon humeur, chagrine ou joyeuse.
Mais tout est possible à l'intérieur de moi.
Le miroir me rappelle à l'ordre de ma taille, quelconque, objective, pas de rêve, pas de fantasmes, la réalité, le concret, le direct, le cerné.
Je suis moi et je suis moi, et ce sont deux personnes différentes


sans dessiner une seule virgule

sans dessiner une seule virgule
plongée dans le clavier noir qui m'obsède
qui m'oblige à le frapper comme une forcenée
secousses cahots sueurs froides
remous verrous qui sautent

je te parle tu m'écoutes
tes idées de géant serrées contre toi
puis en offrande vers moi
mes idées de libellule qui volètent
à la sauvette au hasard de mes songes virtuels
avec quelques larmes des fois
un vol de larmes c'est étrange c'est beau

faut que je mette mes lunettes cerclées de passion
pour déchiffrer sur l'écran les mots de feu (de fou)
je suis un peu folle je dis
tu es d'accord tu aimes cette folie
toi tu cherches l'éclipse
toujours une lune d'avance
moi je t'abandonne mes fioritures
et
et
plein de choses encore
qui ne se trouvent ni dans les sacs
ni dans les valises

emmêlée dans mes cheveux en fête
j'écris
mes mots se suivent en cadence désordonnée
comme des petits soldats rebelles et audacieux