jeudi 25 février 2016

Une baraque de chantier (texte 46)

Ce matin, je me suis replongée assez longuement dans le dernier livre de Alain Rohand.
Ces textes, je les connais par coeur, les ayant relus pour en corriger les fautes qui toujours s'échappent de la plume de l'écrivain.
Et pourtant, cette lecture ce matin m'a semblé neuve, comme chaque fois que je reprends le livre d'Alain
Je me suis retrouvée à peu près dans l'état où je me  trouvais souvent quand je lisais ses billets sur son blog.
Un état de connexion avec le profond de mon humanité, de mes aspirations. C'est un état qui me fait me sentir meilleure: c'est une plongée corps à corps, coeur à coeur dans l'espérance et la certitude de pouvoir vivre cela, au delà des détresses et des découragements que l'on peut connaître

"Un éternel provisoire, une sorte de baraque de chantier, au mieux un préfabriqué. Voilà ce que je suis.
Corps délabré qui s'étonne encore des forces invisibles qui le maintiennent. Équilibre précaire, possible chute à chaque pas. Et dans ce mouvement, la force de la confiance.
C'est le déséquilibre qui est gardien de ma vie et probablement le réel moteur de mon existence. J'ai la précarité du fort lorsque je reconnais ma faiblesse et en fait mon alliée.
D'une certaine manière, je suis un être "éprouvé". Dans les deux sens que l'on peut donner à cet adjectif.
- éprouvé, au sens qu'il a subi l'épreuve dans sa chair (et dont l'origine est d'ailleurs totalement injuste)
- éprouvé, au sens de celui qui a été soumis à une expérience susceptible d'en établir la valeur positive.
Ma force est dans mon délabrement.

Alain Rohand, 120 pensées plongeantes, The book edition 2015



dimanche 21 février 2016

Le jardin de Lakevio

 Julie Gilbert-Pollard

- Ah! venir se cacher dans ce coin de paysage, se blottir dans la douceur de ces couleurs bienfaisantes, s'enivrer de la beauté de ces tendres fleurs...
Il y a là comme une musique qui doucement apaise les remous des chagrins, il faut juste se recueillir pour l'entendre, pour la laisser venir à nos oreilles
Sortir du chaos de la vie, des luttes assourdissantes, se poser tranquillement, rêver un peu... laisser son coeur s'apaiser, reprendre gout à la vie

- mais enfin! tu dis vraiment n'importe quoi: ce n'est pas le moment pour ces fleurs de surgir d'entre ces pierres, on est loin encore du printemps, les pierres en ce moment sont désespérément rocailleuses, elles mordent les pieds, d'ailleurs regarde, il faudrait réparer cette barrière, ça fait négligé quand même dans ce jardin qui se prétend un beau jardin fleuri!

- les plus beaux jardins sont libres... ils n'ont de compte à rendre à personne. Et s'ils nous invitent à partir par les trous de la barrière, creusés par les vents de l'hiver, il faut juste les suivre, tenter l'expérience d'aller plus loin, plus fort, plus haut...

- plus loin? mais où?

- je ne sais pas... juste plus loin... il y a là un flot de vie bleu qui n'attend que nous

lundi 15 février 2016

Edward Hopper (pour la consigne de Lakévio)

Au début, je l'entendais
Puis peu à peu j'ai fermé mes oreilles
Et j'ai ouvert mes yeux sur le paysage tranquille, trop tranquille, sur cette route où plus personne ne s'arrête, comme autrefois.
Mais c'est bien comme ça, je n'ai plus trop envie de parler

Elle, je sais qu'elle continue à crier, je le sais parce que je perçois ses vibrations sur le chambranle quand elle se penche vers moi
Crie toujours ma cocotte, je ne t'entends pas, comme je l'ai dit, j'ai fermé mes oreilles
et je respire la paix, la tranquillité, le chant des oiseaux, quel bonheur!

D'ailleurs je me suis arrangé pour devenir sourd, pour ne plus l'entendre
Il faudrait que je lui dise que je n'entends plus ses cris

Il faudrait que je lui demande de venir à mes côtés profiter ensemble de la quiétude du soir
Autrefois elle aimait ça
Elle n'a pas changé à ce point quand même...!

Je lui dirai demain ou après demain
je l'inviterai à venir près de moi, à respirer ensemble la douceur du soir
C'est dommage de gâcher ainsi le temps qu'il nous reste
Je suis malade, elle ne le sait pas, pas encore
Il est temps de lui en parler
Elle ne criera plus sur moi, elle se serrera contre moi, m'embrassera doucement
Comme autrefois

Ce serait bien...



mercredi 10 février 2016

penser à la vie, penser à la mort

Prendre conscience que l'on vieillit...
Je n'ai plus la même souplesse, la même endurance. Ma fougue et mon ardeur sont désormais surtout intérieures. Quand je bondis de joie, mes pieds ne suivent plus avec le même enthousiasme. Il faudrait que je travaille mes muscles tous les jours, abîmés qu'ils sont par les corticoïdes.
Tous les jours donc ma petite séance de renforcement des muscles. Je n'aime pas ça, mais je me force. Pas envie de devenir une petite vieille racrapotée sur elle-même (il est pas beau, ce petit mot belge? Il faut le dire lentement, le faire rouler dans la bouche pour en comprendre toute la saveur:
SE RACRAPOTER = se recroqueviller

Avec mon mari on se disait tout à l'heure que le temps nous était désormais compté. C'est pas qu'on est archi vieux, mais on vieillit tout doucement, le corps fait des siennes, et comme il nous a lâchés tous les deux par la maladie, il pourrait très bien nous lâcher un de ces jours par la mort. Comme ça, sans crier gare!

D'ailleurs je pense à la mort chaque jour, et c'est loin d'être morbide. C'est une sorte de détachement tranquille, qui me mène à la nécessité de ne plus le perdre, ce fameux temps.

Vivre, en sachant bien qu'on n'est pas éternels...
Pour cette raison j'ai réintroduit dans ma vie une certaine discipline personnelle
Un temps pour le corps
Un temps pour l'esprit
Un temps pour l'âme

C'st simple, c'est évident. Mais pas si simple de s'y tenir au jour le jour!


 Juste pour le plaisir, une peinture de Léon Spilliaert que j'aime beaucoup




dimanche 7 février 2016

Mon amie Etty

Il y a à mon chevet, quelques livres essentiels. Le soir j'en prends un au hasard, je l'ouvre et je me laisse nourrir par la page qui s'est ouverte devant mes yeux

Je vous ai dit déjà que le Journal de Etty Hillesum était un de ces livres essentiels, un livre de vie. "Une vie bouleversée", c'est le titre de ce Journal
Voilà une jeune femme intensément vivante, très moderne, qui a cherché durant sa courte vie son profond chemin intérieur, son chemin d'authenticité. Qui, dans l'infinie détresse du monde secoué par la guerre, est restée une femme debout, une femme aimante, envers et contre tout. Une femme amoureuse aussi!
Juive, elle a vécu les affres que connaissaient les juifs de l'époque. Pour finir par mourir gazée à Auschwitz en 1943
Je l'admire énormément pour son courage, qui la faisait penser aux autres avant elle-même. Je l'admire pour son amour inconditionnel de la vie, même au milieu des difficultés quotidiennes qu'elle a vécu au quotidien durant cette guerre

Créer au dedans de soi, une grande et vaste plaine, débarrassée des broussailles sournoises qui vous bouchent la vue

Voilà le genre de paroles qui me font vivre, en  élargissant mon horizon si souvent bouché par les soucis et autres broussailles


vendredi 5 février 2016

C'est ici ma maison en somme....

Une blogueuse que j'aime beaucoup m'a hier demandé quand je revenais ici, me disant que c'était ici ma vraie maison...
Sa demande m'a secouée quelque peu;
J'ai réalisé qu'elle avait raison; c'est bien ici ma maison, ma vraie maison!
Mon autre blog, celui où je m'astreins tous les jours à écrire selon la consigne des Réels de Raymond Queneau, est une petite maison de vacances, où j'ai pris l'habitude d'écrire un peu n'importe quoi.
C'est amusant... un temps seulement... il est temps à présent de rentrer dans ma maison que j'ai construite patiemment depuis presque 12 ans. Je ne veux plus fuir en cherchant mon insaisissable besoin d'écrire.

Donc me revoilà! J'espère bien sûr vous revoir, vous tous chers lecteurs/lectrices qui m'avez accompagnée dans les moments sombres et joyeux de ma vie de blogueuse

J'ai cru pendant tous ces mois que les mots m'étaient devenus interdits pour toujours, coincés qu'ils étaient dans une gangue de peur.
Aujourd'hui je décide de croire que tout est encore possible pour moi, que mon désir d'écrire, si puissant, forcera mes prisons

Je ne sais pas ce qui m'attend, si vous serez au RV. Si je serai présente à MON rendez-vous. Ce soir, j'ai juste envie de renouer avec cette fièvre de l'écriture qui me saisit devant chaque page encore blanche...
Pendant tous ces mois de silence, j'ai eu tant de fois l'impulsion de venir ici écrire. Pour crier mes coups de gueule, mais aussi mes gratitudes, mes bonheurs petits et grands

La vie est une force puissante et tant que je ne suis pas morte... eh bien... je suis vivante!