samedi 6 décembre 2014

sur les vitres embuées


Maman cuisinait dans une cuisine surchauffée, oubliait de longs moments des casseroles d'eau sur le gaz, dans lesquelles bouillonnaient poissons, légumes divers ou macaronis qui n'en finissaient pas de glouglouter dans une eau qui devenait un peu glauque
Les odeurs s'infiltraient dans cette cuisine et immanquablement la buée à son tour venait se coller aux vitres. Le dehors était devenu invisible, j'avais beau scruter encore et encore, les vitres étaient de plus en plus opaques...et dedans je suffoquais.

J'avais quatre ans je crois...
Un jour de cuisine à grande eau bouillonnante, m'approchant de la vitre j'y ai posé le doigt. Le doigt s'est mis à tracer religieusement la première lettre de mon prénom...Oh! merveille! la lettre s'imprimait docile sur la vitre tout embuée. A côté, j'ai tracé plus grande encore, la deuxième lettre puis la troisième, un peu hésitante mais correcte...puis le prénom tout entier, puis quelques fleurettes, puis une maison dont la cheminée fumait joyeusement, puis un grand bonhomme soleil, puis...

Soudain un cri: Coumarine! que fais-tu là? Mon doigt se fige...
Mais malheureuse! j'ai fait les vitres hier matin, elles sont toutes sales maintenant...Mon doigt rentre penaud dans la poche de mon petit tablier, et je regarde la vitre, perplexe...
Pourquoi elle disait que c'était sale Maman?
Moi je ne les voyais pas sales, au contraire, mais embellies des fleurs et du soleil, et puis j'y avais tracé des lettres...mon premier mot, ma première écriture...

42 commentaires:

  1. Moi qui vient de lire" la femme démantelée" de Jacqueline Harpman je redoutais une telle réaction...Et j'ai eu mal comme si c'était à moi que cela est arrivé.
    Continue à écrire sur ce sujet même si c'est un sujet bien difficile.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. sujet pas facile, non... c'est inscrit dans tout un contexte d’incompréhension qui a commencé alors que j'étais petite fille ... mais la douleur heureusement a été dépassée...;-))
      Merci Charlotte

      Supprimer
  2. oui oui (je dirais même plus, oui oui ;-)) je comprends tout à fait, c'est du vécu
    l'écrire, ça aide... mais il faut le temps (je ne sais pas combien de temps, peut-être bien toute une vie, finalement ;-))
    mais raconte-nous, comme ça au moins on se rend compte que d'autres ont vécu la même chose...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. oui! Adrienne... toute une vie!
      mais j'ai déjà dit que j'ai occulté mes souvenirs... donc pas si facile d'en raconter
      Je me souviens juste d'une atmosphère, lourde... c'est à peu près tout

      Supprimer
  3. Heureusement que ta petite main a su sortir à nouveau du tablier pour continuer à tracer des lettres et des lettres et des lettres... ;-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. oh lala Fabeli...j'ai été arrêtée une deuxième fois dans mon approche de l'écriture: qd ma mère a trouvé mon carnet intime et l'a jeté à la poubelle!
      Il m'a fallu DES années pour reprendre confiance en ma faculté de tracer des lettres!

      Supprimer
  4. Magnifique anecdote d'enfance dont les traces sont indélébiles! pas sur la vitre mais...dans la mémoire!

    RépondreSupprimer
  5. Tu m'as fait penser au très beau livre de Roald Dahl, "Matilda" dans lequel une petite fille de dix-huit mois écrit son prénom dans la purée d'épinards, et se fait engueuler par sa mère parce qu'elle a sali le plan de travail...
    J'ai retrouvé "l'enfant à l'envers" de ton livre dans ce billet doux amer (à mère?)
    Big kiss♥

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. ce livre dont tu parles je l'ai pas lu...
      par contre "l'enfant à l'envers"... oui
      et je m'en souviens encore ;-))

      Supprimer
  6. Attention ! Ne fais pas ça ! Reste tranquille ! Sois sage ! Même si ces paroles sont énoncées avec bienveillance, elles sont souvent castratrices et nous font perdre notre âme d'enfant... en écho avec ce que j'ai publié hier sur mon blog.
    Belle journée, Coumarine !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. ces paroles je les ai entendues des milliers de fois...;-(
      elles sont épouvantablement castratrices et on met des années à s'en guérir
      Merci Naline

      Supprimer
  7. Les parents ne comprennent jamais rien...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. il y a des parents en effet qui pigent pas, et font mal
      Il y en a d'autres (oui oui, je l'ai lu sur des blogs), y en a qui ont eu des pères et des mères attentifs et soucieux de leur enfant..
      Je les envie parfois...

      Supprimer
    2. "Je les envie parfois..."
      Ne regarde pas derrière !
      (surtout avec un œil...)

      Supprimer
    3. ben si! il m'arrive en lisant des billets touchants d'amour parents-enfants, d'être émue.
      Les films, les billets de blogs, les livres, la musique qui a été écrite pour l'amour d'une mère m'émeuvent fort

      Supprimer
  8. C'est vachement bien écrit, Coum' .

    Je lis un peu plus haut quelques "jugements" sur les "parents"... quel taf que celui de l'éducation de nos mômes, et moi avec mes deux garçons est-ce que j'ai fait le bon choix, est-ce que j'ai été bienveillant je veux dire vraiment bienveillant et non pas bien polissé pour faire bien par rapport au regard de "l'autre"...
    Bah, je n'en sais rien et puis quel intérêt de revenir sur quelque chose qui est passé et bien passé aimons-les maintenant comme on le peut, sagement et comme ils sont !!

    Bleck

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. merci Bleck pour ta première phrase... elle me fait plaisir...

      Je ne sais pas toi, mais je sais que je me suis juré que mes enfants vivraient dans une ambiance de dialogue, (écoute surtout!)
      Ce fut mon but le plus cher... et je suis sûre que toi aussi tu as cherché la bienveillance fondamentale
      même si nous avons commis des maladresses, nous savions au moins le but que nous voulions poursuivre...

      Supprimer
  9. Mon Dieu, que de vitres avons-nous salies ainsi de nos petits doigts malpropres! C'était si intéressant de dessiner sur du verre!
    Je crois, Coumarine, qu'il y a des parents attentifs et aimants qui se trompent aussi. Personne n'est Dieu et le fait d'aimer ne suffit pas toujours pour tout comprendre. D'ailleurs Dieu nous a joué de drôles de tours. Comme disent les psy : quoi qu'on fasse avec les enfants, on se trompe toujours. L'essentiel est que l'enfant se sache aimé même si le père, ou la mère, pour des raisons x, y ou z, ben oui, pousse un coup de colère maladroit...; Je ne parle pas de tes parents, je ne parle qu'en général....

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. oui X, j'ai été ce genre de mère attentive et aimante, mais qui a forcément commis des maladresses, et qui s'est même trompée parfois. Mais je ne me souviens pas d'avoir vécu cette certitude profonde d'être aimée pour qui j'étais...
      De là ce que je viens de répondre à X... je me suis juré d'être capable d'écouter (j'ai même suivi des formations à l'écoute ;-))

      Supprimer
  10. Belle image de cette petite fille qui découvre les lettres !!! Hélàs sa découverte a vite été interrompu ...C'est beau merci

    RépondreSupprimer
  11. Ben c'est clair !
    Quelle idée de salir les vitres comme ça avec du gribouillage !
    Franchement les gosses ne comprennent rien à la vie exaspérante qu'il font vivre à leurs parents....
    :-))

    ------
    Qui n'a pas écrit sur les vitres des cuisines en ces temps bénis où il n'y avait pas de double vitrage, où l'eau bouillait sans cesse sur le feu dans ces lieux odorants et délicieux.... générant la buée magique qui n'attendait que nos petits doigts....
    Salir ? ah bon ? On s'en foutait chez moi....J'eus un seul problème : le jour où j'ai dessiné le.. enfin la... enfin ce truc que les filles n'ont pas !!
    - "Qu'est-ce que j'ai fait au bon dieu pour mettre au monde un fils aussi vicieux !"
    Ben quoi elle est pas belle ma zigounette ?
    Plus tard bien des filles le confirmeront !
    (ok... je sors....)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. oui je suppose qu'on a tous gribouillé sur les fenêtres embuées ;-))
      et il y a des mères qui ont peut-être détecté un futur grand talent de dessinateur chez leur enfant!!
      Quant à la zigounette... je n'en dirai rien ;-))

      Supprimer
  12. Les parents croient souvent bien faire quand ils sont dans leur rôle d'éducateur normatif.
    on en a eu tous besoin mais hélas personne n'enseigne la pédagogie aux parents. Ils se débrouillent comme ils peuvent avec l'éducation qu'ils ont eux mêmes reçue. ..

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. bonsoir Antiblues et bienvenue
      De plus en plus de jeunes parents s'informent sur la pédagogie. Ils ne croient plus que éduquer un enfant, "ça" se fait sans un minimum d'éducation parentale
      Ce n'étais pas le cas du temps de mes parents, hélas

      Supprimer
    2. Et ils se plantent.
      Nous nous plantons tous.
      Nous faisons ce que nous pouvons, avec ce dont nous disposons.
      Nous faisons des erreurs et c'est très bien.
      Si nous élevions tous nos enfants selon une méthode pédagogique normalisée, nous condamnerions l'espèce.
      Il faut de la diversité biologique ET de la diversité culturelle et psychologique...

      Supprimer
    3. le gout... il faut avant tout de l'amour
      alors on peut supporter toutes les erreurs, toutes les maladresses... parce qu'on se sait fondamentalement aimés!!

      Supprimer
  13. bonjour, oui j'ai eu ce genre de mésaventures pour mes 18 ans où j'avais confectionné des guirlandes en papier journal sur les murs et ma mère m'a dit "c'est sale enlève moi ça ".....ça m'a fait mal...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. ben oui, je comprends
      quoique à 18 ans on peut gérer ça, non?

      Supprimer
  14. C'est bien parce que globalement (au niveau de l'espèce) nous aimons nos enfants que ça marche !
    C'est grâce à nos erreurs qu'ils deviennent autonomes et peuvent, même mal ou de travers, gérer les situations qui se présentent que nous existons.
    Et c'est (à mon avis) pour ça qu'il faut absolument éviter de nous laisser couler dans un moule...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. oui tu as cent fois raison...
      mais je me pose une question: c'est quoi aimer ses enfants...
      question vaste tu en conviendras;..

      Supprimer
    2. Aimer ses enfants ?
      C'est faire ce qu'on estime devoir faire en ne sachant ni ce que va coûter comme effort, ni ce que ça va donner ni si c'est efficace mais le faire quand même parce qu'on croit que c'est bien pour eux et que ça peut en faire des adultes autonomes.

      Supprimer
  15. La spontanéité des enfants et la rigidité des parents. Confusion des mots. Et après, débrouillons-nous avec tout cela. Oui, les parents font ce qu'ils peuvent avec ce qu'on leur a appris à eux aussi, et défendu également. Mais que de frustrations... et de malentendus...
    Bisous, Coumarine.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a reçu (ou pas)
      Bisous aussi Françoise

      Supprimer
  16. Je pense que personne ne sort indemne de son enfance.
    Chez-nous sur les vitres embuées on s'en donnait à cœur joie. Pourtant au-dessus de nos têtes régnait une forte autorité qui a laissé des marques profondes sur chacun de nous.
    Mais j'ai toujours senti l'amour de ma mère et bien souvent sa détresse car nous étions 12 enfants et peu de ressources financières.
    Je crois comme toi que c'est l'amour ressenti qui fait toute la différence.
    Un texte qui réveille bien des souvenirs d'enfance... maty

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. ah ben ça! si vous étiez 12 enfants... il devait y avoir de la joie (et des disputes) j'imagine
      merci Maty

      Supprimer
  17. Une vocation qui aurait pu être étouffée dans l'oeuf!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. elle a mis du temps à rejaillir, puis à s'épanouir, cette vocation!

      Supprimer
  18. Je comprends ta déception...C'est terrible ces adultes qui oublient d'écouter leur âme d'enfant

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. oui, c'est assez terrible...
      ne pas oublier son âme d'enfant....

      Supprimer
  19. Je te vois devant la vitre !... habitant complètement le présent... et ta mère ayant perdu les clés du royaume... perdue dans le passé ou le futur, expérimentant sa vie comme un fardeau j'imagine, entrecoupé ici et là de quelques rares moments de grâce. Heureusement qu'il y a pour les adultes ces moments qui font parfois demander : "Mais Est-ce seulement ça la vie coudonc ? " kéa

    RépondreSupprimer

un petit mot à dire?