lundi 16 novembre 2020

Le ventre de la mère

 Ceci est un texte que j'ai découvert dans mes archives. Il est vieux de dix ans: j'ai eu envie de le remettre ici: j'avais écrit sur les différentes maisons ou lieux que j'ai habités

Ma première maison est le ventre de ma mère. Des moments cruciaux pour tout être humain, et pourtant personne n'a de souvenirs de cette période intense, du moins conscients... C'est étrange quand on y pense...

Quelles ont pu être mes sensations, mes perceptions au cours de ces neuf mois durant lesquels je me suis formée en décidant d'être femme? La coquille vibrante, vivante du ventre de ma mère fut-elle pour moi un cocon rassurant, bercé de paroles douces et de caresses tendres?

Ce ne fut pas vraiment le cas…

Conçue en pleine guerre, dans une  atmosphère d'angoisse diffuse et omniprésente, dans les couvre feu obligatoires, les sirènes tonitruantes suivis des bombardements, toujours inattendus...

Conçue deux ou trois ans après une fausse couche tardive (du moins d'après les confidences que papa m'a faites un jour... mais les ai-je rêvées? Parfois je me le demande!). Quand on perd un bébé en gestation, puis qu'on en attend un autre à nouveau, qu'est-ce qui prévaut? La joie d'être enceinte? Ou la peur de perdre une fois encore l'espérance d'un nouvel enfant?

Et puis, faisais-je partie d'une grossesse gémellaire, comme une séance de kinésiologie m'en a donné la révélation dans une crise de larmes dont l'intensité m'a surprise? En pensant à mon attirance de toujours pour les histoires de jumeaux (lues chez d'autres ou écrites moi-même), pour les aquarelles, peintures et photos de jumeaux, je pense que ces larmes, ce n'était pas une simple crise d'hystérie, comme je me le suis dit souvent par après, doutant de cette révélation qui, il faut le reconnaître fait un peu partie d’un phénomène de mode. Mais si c'est la réalité, alors... quand ma jumelle (car il ne peut s'agir que d'une jumelle) s'est fondue dans le rien, comment ai-je vécu cette perte ? En ai-je fait le deuil? Ai-je été capable de bouger pour signaler ma présence, mon désir de vivre? Ou au contraire me suis-je tenue tranquille? Surtout ne pas me faire remarquer, ne pas déranger, vivre en cachette. En écrivant ces mots qui me viennent spontanément, je pense que oui, malgré ma fougue, mon tempérament ardent, je me tiens si souvent "tranquille" pour ne pas déranger, pour m'effacer..

Donc angoisse intérieure dans ce ventre. Angoisse extérieure d'une future mère, vécue dans les affres d'une guerre, obligée de se battre au quotidien pour la nourriture, craignant pour sa vie, pour celle de son premier fils et surtout pour celle de son mari?

Comment grandit un futur bébé environné d'angoisse dès les premiers jours de sa conception, marqué peut-être du sceau de la culpabilité (ai-je chassé, tué peut-être cette autre qui habitait le même ventre que moi? Aurais-je été à ce point jalouse, réclamant ce ventre pour moi toute seule?)



Oui j'ai gardé au fond de moi et à jamais je crois, l'empreinte de cette angoisse primitive. Je suis en effet une femme anxieuse, qui tremble et redoute trop de choses, trop et trop fort! Qui à son tour, aura transmis bien des peurs irrationnelles aux bébés qui  à leur tour, ont grandi dans son ventre.

Adulte, je n'aimais pas regarder ma mère en pensant que j'avais grandi en elle, que j'étais née de ses entrailles, que j'avais forcé le passage de ses organes génitaux. Il y avait trop de carence affective entre elle et moi... C'était comme si je ne reconnaissais pas la maternité de ce ventre, comme si je préférais penser que j'étais née de nulle part...

A suivre (peut-être)

18 commentaires:

  1. Je me souviens de cette écriture sur les différentes maisons.
    Dans le « à suivre » envisagerais-tu d'exprimer « comment » après 10 ans tu relis ce texte, est-ce que tu as évolué dans ton regard, dans l'analyse que tu faisais ?
    C'est juste parce que il m'arrive aussi de relire des vieux textes et je me dis, pour certains, — « Mince alors, je n'écrirai plus les choses comme ça aujourd'hui… » .

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    1. tu me connais depuis tant de temps, cher Alain! (16 ans déjà...)
      Donc tu connais ce que je raconte ici!
      Mais la Q que tu me poses est intéressante: ai-je évolué dans l'analyse de ces faits?
      Non pour ce qui concerne les faits en eux-mêmes
      Mais oui en ce qui concerne la relation "jumelle/moi!"
      Je n'y pense même plus; c'est devenu un fait comme un autre qui ne me touche plus guère. C'est curieux...

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  2. C'est vrai que la question d'Alain est très intéressante. L'émotion qui existait lors de l'écriture de certains textes, existe-t-elle encore aujourd'hui à la lecture de ceux-ci ? Je ne sais pas mais je pense qu'il y a des émotions qui ne peuvent mourir ni s'adoucir. Elles font partie de notre vie et l'on apprend à vivre avec.

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    1. Bonjour Françoise
      Non l'émotion que j'ai eue lors de l'écriture de ce texte, s'est estompée
      merci de poser cette question qui me permet de creuser le sujet

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  3. Oui ce texte est très intéressant. Je crois qu'on évolue avec le temps. Notre façon de voir les choses , de ressentir nos émotions d'autant plus si on a fait un travail sur soi.

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    1. coucou ma chère Charlotte
      Le travail sur soi que j'ai fait, s'est essentiellement fait par l'écriture, mais m'a permis d'évoluer

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  4. C'est un texte dur, et difficile, que je me garderai d'interpréter, tant il t'est personnel.(3 jours que je tourne autour...)

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    1. oui ce texte est très personnel. Vu le peu de monde qui réagit, je me dis que j'ai fait une erreur, que je n'aurais pas dû publier ce texte trop personnel
      Merci chère Sylvie d'être venue et de t'être manifestée
      Sur le billet précédent, tu avais mis un long commentaire qui m'avait fait une intense plaisir, je n'y ai pas répondu, pardon pour cela...

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    2. Ma Coum, la re-publication d'un texte qui existe depuis longtemps, et qui est aussi fort, ne peut être une erreur. Tu en as éprouvé le besoin, sans doute pour répondre à un questionnement intérieur sur ton évolution personnelle. D'ailleurs il me semble qu'AlainX a posé la bonne question (comme souvent) ;-)
      Ton texte répond parfaitement à celui que j'ai partagé précédemment: tu es une bouleversée, et de longue date.
      Je t'embrasse ♥

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    3. Ce texte est le premier d'une série sur les lieux et maisons que j'ai habités.
      Je ne les ai jamais publiés.
      En retrouvant cette série hier, j'ai trouvé cela dommage de la laisser cachée au fond de mon PC
      Et comme je suis en panne d'écriture en ce moment, je me suis dit que pourquoi pas commencer à la publier ici
      (tu sais que j'ai fort réfléchi au concept de "bouleversée"?
      et je dois reconnaitre que oui, j'en suis une
      Merci à toi. Je t'embrasse aussi, fort et avec reconnaissance

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    4. Bonjour Coum
      lorsque les visiteurs ne réagissent pas à un texte (mon cas puisque je suis venue le lire et le relire ainsi que la succession des commentaires) ce n'est pas forcément parce que l'autrice "n'aurait pas dû l'écrire", c'est même rarement la raison !
      Parfois, c'est trop délicat, on a peur de blesser ou d'être maladroit(e) alors on n'écrit rien

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    5. peut être aussi, va savoir, parce que je reconnais trop de choses dans ce que tu décris ?

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  5. Je me pose souvent des questions sur ma naissance qui n'a pas été facile physiquement pour ma mère. Elle m'en a souvent parlé mais je n'ai jamais approfondi le sujet.

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    1. si ta mère t'en a souvent parlé, c'est qu'elle avait envie de t'en dire davantage
      Tu n'as pas approfondi le sujet... tu le regrettes aujourd'hui...
      Je suppose que maintenant c'est trop tard...?

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  6. Dommage que l'on ne puisse choisir le ventre dans le quel on naît!! Ma mère, angoissée notoire, a eu une grossesse difficile. Tout cela marque le bébé et il va falloir faire avec tout au long de sa vie.....Moi j'ai fait une thérapie et j'ai épousé une femme à l'opposé de ma mère. On se débrouille comme on peut !!

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    1. oui Daniel l'angoisse de la mère marque l'enfant tout au long de sa vie
      Tu as heureusement fait une thérapie. Moi non. Mais j'ai progressé par mes lectures et par des rencontres qui m'ont nourrie

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  8. Comme c'est étrange Coumarine, jamais il ne me serais venu à l'idée de penser à ma vie intra-utérine quand bien même il y aurait eu une jumelle.(était ce vraiment une jumelle ou qui sait, un oeuf dit clair ou un embryon qui n'avait pas les ressources de se développer, la "reproduction" même chez l'être humain reste le résultat d'une machinerie absolument fantastique de précision et donc il peut y avoir tellement de défaillances à tous les stades malheureusement!) Je crois vivre ce long moment comme une victoire puisque le minuscule spermatozoïde de mon père a pu rentrer dans l'ovule planqué de ma mère! Et puis ensuite je me suis épanouie dans un lit douillet puisqu'il m'a profité et un jour j'ai pu mettre des visages sur les voies entendues. Ensuite?... c'est une autre paire de manches!!!
    Il y avait longtemps mais j'apprécie toujours autant de passer ici

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