vendredi 31 août 2018

Deux enfants sur le bord d’une route


Deux enfants sur le bord d’une route. Il n’y a personne sur cette route, juste des poteaux électriques à l’ancienne. Ce doit être une route de campagne : on ne voit que des arbres, aucune maison à l’horizon. Il fait beau, les arbres projettent leur ombre sur la route. Il fait chaud, les deux enfants sont habillés légèrement.
Je suis là immobile aux côtés de mon petit frère. Je baisse la tête vers le petit chien que je tiens en laisse. Je ne regarde pas le ou la photographe. Mon frère non plus d’ailleurs. Est-ce que je souris ? Je ne sais pas, la moue que je fais pourrait passer pour un sourire. Ou alors je plisse les yeux à cause du soleil. Ou peut-être que je fais une grimace avant de pleurer. Non je ne pense pas que je suis sur le point de pleurer, l’attitude de mon corps est trop calme pour ça.
 Le visage de mon frère au contraire est parfaitement lisse, sans plissage des yeux, sans grimace ou sourire.
Je suis là, debout aux côtés de mon frère, parfaitement figée, je me suis immobilisée pour obéir sans doute à celui ou celle qui prend la photo. Ni moi, ni mon petit frère n’avons été saisis dans un mouvement quelconque. Instant suspendu, le temps s’est arrêté. Est-ce que j’attends la permission de pouvoir retourner jouer, bouger, courir ? Ou cela me semble-t-il normal d’être immobilisée comme ça ? Même le chien que je tiens est statique comme s’il était un jouet en bois que l’on tire après soi.

Elle est belle et semble forte cette petite fille, elle semble bien moins fragile que son frère.
Elle a les deux pieds sur terre, elle est plantée avec détermination sur la route de sa vie. A cinq ans, elle a tout en elle pour vivre une vie ouverte, épanouie…Et ça me fend le cœur, car ma vie de fillette, puis de jeune fille ne fut ni ouverte ni épanouie. Les choses ont si vite tourné "à l'envers".


Alors j’ai envie de la prendre dans mes bras, de la serrer fort, de l’empoigner pour l’emmener loin, ailleurs… et si elle proteste je lui dirai que son enfance sera solitaire, où elle n’existera ni pour elle, ni pour personne, peut-être juste pour ce petit garçon qui se tient à côté d’elle, son presque jumeau. Mais des deux, c’est elle qui sera la forte, qui le soutiendra, d’ailleurs c’est simple, cela se voit, elle est grande déjà, elle a du courage, elle saura déjouer le piège de cette enfance  au vinaigre.

39 commentaires:

  1. C'est toujours intéressant d'écrire sur les vieilles photos où l'on apparaît.
    On a toujours l'air un peu figé, puisqu'il fallait « poser » à cause du peu de sensibilité des films de l'époque, il fallait éviter de faire un « bougé ».
    Les photos anciennes dont nous ne souvenons plus, on les interprète avec les effluves d'aujourd'hui de nos ressentis globaux d'enfance.
    C'est ce que tu fais.
    Si on a eu une « enfance au vinaigre » finalement c'est peut-être grâce à cela que tu as traversé ton existence et que tu es toujours là.
    Après tout, le vinaigre est un excellent conservateur. Et pas que pour des cornichons… que nous ne sommes pas !…

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    1. oui, c'est intéressant d'écrire sur de vieilles photos, qu'on interprète bien sûr à partir des ressentis de notre enfance
      Cette photo je m'en souviens TB, mais elle est perdue dommage: elle faisait partie d'un ensemble de photos que j'ai sans doute dû donner à mon frère
      Je l'ai cherchée pour la mettre ici, mais je ne l'ai pas trouvée, c'est vraiment dommage

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    2. Tu devrais lui demander de la scanner pour toi

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    3. cet ensemble de photos a disparu: toutes les (rares) photos de mon enfance....

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  2. Du coup, on aimerait voir la photo... ;-)

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    1. ben voilà... je ne l'ai plus et je le regrette
      (lire la réponse que j'ai donnée à Alain)

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  3. Bonjour Coum,
    c'est vrai, j'aimerais aussi bien voir cette photo...
    Sur celles de moi enfant, je ressemble assez à un petit soldat, avec un père militaire en tout cas dans l'âme, quoi d'étonnant? ;-)
    Belle journée à toi.

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    1. tu sauras Ambre en lisant les commentaires, que cette photo, je ne l'ai plus et c'est vraiment dommage!
      (toi? un petit soldat? sourire)

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    2. Bonjour Coum, c'est dommage que cette photo ait été perdue ainsi que les rares photos de ton enfance, dis-tu, mais sans doute doit-on se dire que c'est (mieux) ainsi, la vie souvent sait ce qui est bon pour nous. Il te reste ta mémoire de ces photos, tes ressentis...
      J'ai envie de lire ton livre, (en fait je n'ai lu que "Petites paroles" et "tout d'un blog") et en même temps je crois que ce n'est pas le moment pour moi. Trop de résonances.
      Bonne journée à toi

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    3. c'est le livre le plus précieux pour moi...

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    4. Bonjour Coumarine,
      je le comprends tout-à-fait, c'est le plus intime! Je pense que je le lirai un jour ou l'autre....

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    5. en tous cas ceux/celles qui l'ont lu l'ont trouvé riche... très!

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    1. tu as tout compris!
      (j'espère que tu as lu ce livre remarquable? lol)

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  5. Elle me ressemble beaucoup cette petite fille qui était de trop ! Malgré tout, mon enfance a été une merveille à cause du lien que j'avais de l'intérieur avec je ne sais trop quoi ! Encore aujourd'hui on se ressemble Coumarine et tu sais de quoi je parle. kéa

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  6. Évidemment moi aussi j'aurais aimé voir la photo… peut-être en as tu une autre ??? Lorsque je regarde des photos de moi enfant, j'y vois moi aussi de la détermination et de la force, tant de courage je dirais. Celles de l'adolescente démontrent une grande confusion, un mélange contradictoire de résignation et de rébellion. kéa

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    1. hé non! il semble que les rares photos de mon enfance ont toutes disparu
      Cela me contrarie beaucoup
      Ce serait amusant de voir tes photos d'enfant et d'ado...résignation et rebellion, cela dit bcp de hoses!

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    2. Si je mets la main sur la petite photo que j'avais en tête lorsque j'ai écrit mon commentaire précédent, je te l'envoie. kéa

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    3. merci kéa, cela me ferait TRES plaisir!!

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  7. J'ai été bouleversée par ton texte, et comme toi, je regrette que la photo ait disparu. Nous tous gardons le souvenir de photos perdues, hélas ! et d'instants de vie envolés mais qui restent en mémoire.

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    1. si tu as été bouleversée par mon texte, c'est sans doute parce qu'il fait resonance en toi... merci d'être venue me le dire...

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  8. Une enfance difficile qui vous marque pour la vie. Alors on fait avec…..Mais c'est aussi l'occasion de travailler sur soi. Quelle responsabilité pour les parents d'élever des enfants !!

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    1. oui Daniel, c'est une occasion de travailler sur soi... quoique je n'aime pas trop le terme "travailler": cela semble si dur!

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    2. Alors réfléchir à ses comportements !

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    3. oui! merci! réfléchir et les ajuster si nécessaire (les rendre justes)!

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  9. Bouleversant... d'autant plus que lorsque je pense à mon enfance, nul besoin de photo, j'ai envie de prendre dans mes bras la petite fille que j'étais, de la consoler, de lui dire que je l'aime...

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    1. alors toi aussi, chère Praline...cela me fait mal au coeur, tant et tant d'enfants qui, même s'ils n'ont pas été maltraités physiquement (c'est mon cas) l'ont été psychologiquement. Et je dois reconnaître que mes parents, compte tenu de leur propre enfance, ne sont pas tout-à fait responsables de ce gâchis, mais je ne l'ai compris que bien plus tard!

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  10. Je lis les commentaires.... c'est dur de constater qu'il y a (eu) tant et tant d'enfants avec une enfance douloureuse... La mienne me pourrit encore l'existence, pourtant je fais un "travail sur moi" pour reprendre l'expression de Daniel, je me dis "c'est pour me permettre d'avancer, de progresser,c'est bien".... Mais parfois aussi aussi, je me dis Je n'en peux plus! j'en ai marre de chez marre! Je veux juste aller voir la mer!!!!
    et en écrivant cela je pense d'un seul coup à l'homonyme de mère..... (en plus je viens de faire un écripsus :-))

    Bon courage à tous et à toutes.
    Difficile d'être enfants, difficiles aussi d'être parents, bref il faut s'accrocher! ;-)

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    1. le travail sur moi le plus "bienfaiteur" que j'ai fait,, c'est de me mettre à écrire, en particulier mon livre "L'enfant à l'endroit, l'enfant à l'envers"
      Il fut une véritable catharsis
      Merci à toi

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    2. Je pense aussi qu'écrire est très bienfaisant, mais cela t'a-t-il suffi pour "tourner la page"?

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    3. on ne tourne jamais la page de son enfance, qu'elle ait été heureuse ou malheureuse
      On tente de vivre avec tu ne crois pas?

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    4. pour l'instant je ne sais pas quelle réponse te donner ;-)

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    5. la réponse ne sera jamais que la tienne ;-)

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  11. Très belle écriture Coumarine. Tu me donnes envie de relire ton livre que j'avais beaucoup apprécié.

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  12. En lisant ton texte et toutes tes réponses aux commentaires, je ferme les yeux et je la vois, cette petite fille qui s'est tricotée à l'envers. Un bélier à la frimousse volontaire et pourtant, une enfance au vinaigre...
    C'est très bien évoqué, on n'a donc plus besoin du support de la photo pour être ému, comme je l'ai été à la lecture de ton livre. J'en avais pleuré, tu te souviens ?...
    Bises Coum
    ¸¸.•*¨*• ☆

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    1. à la limite c'est vrai, on peut se passer de la photo et en rester aux mots!
      J'ai relu ton billet sur mon livre, et ça a réveillé plein de souvenirs nostalgiques
      - c'est le temps avant la maladie, où j'étais en pleine possession de mes moyens, ou j'écrivais comme on respire
      - le temps aussi où tu me faisais confiance, où tu ne pouvais imaginer que sciemment je pouvais te blesser, te faire du mal. Les choses ont changé... j'essaie de m'en accommoder, mais cela reste difficile: je suis comme toi, une hypersensible!

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  13. Un très joli texte, Coumarine. Il m'arrive aussi de prendre la petite fille que j'étais dans mes bras et de la consoler, de la bercer, de lui expliquer. Un très joli texte, oui, je l'aime beaucoup♥.
    Gros bisous, Coumarine.

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