mardi 1 mai 2018

s'abandonner à soi-même...

Impressions d'hier soir, dans ma petite chambre. Je m'étais couchée de bonne heure et, de mon lit, je regardais au-dehors par la baie ouverte. On aurait dit, une fois de plus, que la vie avec tous ses secrets était tout près de moi, que je pouvais la toucher. J'avais l'impression de reposer contre la poitrine nue de la vie et d'entendre le doux battement régulier de son coeur. J'étais étendue entre les bras nus de la vie et j'y étais en sécurité, à couvert. 
Et je pensais : comme c'est étrange ! C'est la guerre. Il y a des camps de concentration. De petites cruautés s'ajoutent à d'autres cruautés. En passant dans les rues, je peux dire de beaucoup de maisons : ici un fils est en prison, là le père est retenu en otage, ici encore on a à supporter la condamnation à mort d'un fils de dix-huit ans. Et ces rues et ces maisons se trouvent tout près de chez moi. Je connais l'air traqué des gens, l'accumulation de la souffrance humaine, je connais les persécutions, l'oppression, l'arbitraire, la haine impuissante et tout ce sadisme. Je connais tout cela et je continue à regarder au fond des yeux le moindre fragment de réalité qui s'impose à moi.
Et pourtant, quand je cesse d'être sur mes gardes pour m'abandonner à moi-même, me voilà tout à coup reposant contre la poitrine nue de la vie, et ses bras qui m'enlacent sont si doux et si protecteurs - et le battement de son coeur, je ne saurais même pas le décrire : si lent, si régulier, si doux, presque étouffé, mais si fidèle, assez fort pour ne jamais cesser, et en même temps si bon, si miséricordieux.
Tel est une fois pour toute mon sentiment de la vie, et je crois qu'aucune guerre au monde, aucune cruauté humaine si absurde soit-elle, n'y pourra rien changer.


Chaque fois que mon moral baisse, un peu ou beaucoup, je reprends inlassablement le journal de Etty Hillesum, cette juive morte à 29 ans dans les camps de la mort
Et je lis, un peu au hasard, je sais que je tomberai sur les mots qui me redonneront le courage d'aller de l'avant
Se reposer "contre la poitrine nue de la vie", quitter le flux et le reflux des inquiétudes incessantes, recontacter en soi le doux silence, lent, régulier, profond, le contact avec cette présence qui murmure et qu'il faut écouter pour espérer entrer en contact avec elle, qui pacifie au delà de tout... au delà de la guerre féroce et sans pitié: et n'y a-t-il pas une guerre (ou même plusieurs) en chacune de nos vies?


Je lis une page ou deux, sûre de trouver les mots qui ressuscitent, qui ME ressusciteront
Et je m'endors apaisée et confiante, ou prête à commencer ma journée, autrement, ancrée dans l'essentiel

22 commentaires:

  1. oui, c'est fort! très fort... et on se dit qu'on n'a pas trop le droit de se plaindre, si on se compare à elle...
    bises, Coumarine, et merci

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    1. c'est vrai, Adrienne, quand on la lit, quand on voit comment jour après jour elle surmonte les problèmes qu'elle a connus, tout en gardant espoir et bonne humeur, on ne se donne plus le droit de plonger dans le marasme, ou alors, on en sort rapidement
      Bises à toi aussi, chère Adrienne

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  2. Tu nous as déjà parlé d'elle, non? Elle est admirable. Elle a tout compris. Affronter la vie les yeux grand ouverts, les joies, les douleurs, les horreurs, et savoir que l'on vit. Savoir que la vie est quelque chose de palpable, qui palpite au creux de soi, et ne pas en avoir peur. Ne rien masquer. Vivre...
    Merci ♥

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    1. oui, j'en ai parlé au moins deux ou trois fois... mais ce qu'elle écrit me parle toujours autant. C'était une grande amoureuse de la vie, elle n'a jamais perdu espoir, elle a vécu intensément. C'tait une personne lumineuse... Merci pour ton commentaire

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  3. Une belle leçon de vie ! Se laisser bercer par la vie, malgré les souffrances, les épreuves !!

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    1. se laisser bercer par la vie, oui!
      mais surtout avoir soin de rester en contact avec son intériorité la plus profonde, prendre soin de s'y connecter pour rester en prise avec le plus essentiel de sa vie, ce qui se passe au profond de nous même

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    2. Oui,très important le contact avec son intériorité. Mais pas seulement: s'intéresser beaucoup aux autres aussi .

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  4. Dès la 5ème ligne je l'avais reconnue.C'est un livre à lire et relire.

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    1. ah! bonsoir chère Charlotte
      C'est un livre de chevet, qui ne me quitte pas!
      Bisou à toi et à D.

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  5. J'ai lu ce livre moi aussi... et je l'aime parce qu'il prouve que le quotidien ne nous quitte pas, quel que soit le décor. Et les éclaircies, les bons moments... et le sentiment que l'on vit!

    Bon premier mai, Coumarine!

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    1. ces notes de Etty, sont éperdument positives. Elles nous transmettent une force de vie incroyable
      Merci Edmée...

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  6. Je note cette auteur dans mon petit carnet A lire! Bises

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    1. oui, Manou, c'est un livre de Vie.
      Bises à toi aussi!

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  7. Bien entendu ce livre est un de mes « livres de table » (je ne dit pas de chevet, car généralement je ne lis pas au lit… j'y dors, ou bien… j'y ai d'autres occupations !).
    Au final, seules les personnes qui témoignent peuvent nous toucher dans les profondeurs de l'être.
    Je dis bien qui "témoignent", pas qui racontent leur vie. C'est-à-dire celles qui nous font toucher le sens de leur propre existence qui rejoint, au moins partiellement, le nôtre.
    J'ai toujours été particulièrement sensible aux témoignages de ceux/celles qui traversent les épreuves de leur vie en apprenant le nécessaire abandon à celle-ci. On ne guérit pas d'une histoire douloureuse sans s'y abandonner. Paradoxe apparent.
    C'est aussi une manière, en écrivant cela, témoigner personnellement.

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    1. "On ne guérit pas d'une histoire douloureuse sans s'y abandonner. Paradoxe apparent."
      Alors que tout nous pousse à fuir...
      Oui c'est un vrai paradoxe, il faut y plonger pour le croire...
      merci Alain

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  8. Comme je te comprends d'aimer Etty ! je n'ai pas souvenir d'avoir rencontré pareille preuve que la Vie garde tout son sens peu importe les circonstances. kéa

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    1. ça me fait plaisir que tu me rejoignes dans cet "amour" d'Etty: en fait, j'aurais pu le deviner chère kéa...

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  9. comme c'est bon d'avoir un livre ressourçant!

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  10. oui un livre ressourçant, c'est ce qu'il est!

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  11. Il y a des livres, ainsi, qui nous font tant de bien ! Je pense que nous avons chacun le nôtre, et quel qu'il soit, nous aimons le relire, il est toujours à portée de main, il nous attend.
    Bonne soirée, Coumarine. Je t'embrasse.

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    1. chère Françoise, oui toi aussi dans ton blog tu nous présentes bien souvent un livre ressourçant!
      Merci pour cela!

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  12. J''ai rencontré Etty Hillsum il y a plus de trente ans et plus jamais je ne suis resté un jour sans penser à elle.
    Je vous embrasse.
    Bonne journée.

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