Je vis.
Je mange, respire, marche, accomplis au jour le jour les gestes ordinaires de ma vie ordinaire.
J'attends le métro, monte dans le métro, marche dans la rue, rencontre l'une ou l'autre personne, anime mes ateliers. Je fais au jour le jour ce que je dois faire.
Je lis, j'écris, je réfléchis sur ma vie, sur ce que je vis, j'écris penchée sur mon cahier, ou bien droite devant mon PC.
Je suis dans ma vie, au jour le jour, complètement immergée dans cette journée.
Je ne me vois pas.
Je suis à l'intérieur de moi. Ma voix, je l'entends dans ma tête. Je sais quand je souris, quand je ris, quand je baille, mais je ne me vois ni rire, ni sourire, ni bailler
Je vais vers l'autre. Je l'embrasse, me serre dans ses bras, prends un enfant sur les genoux. L'autre me regarde. Il me voit. Il voit que je suis bien ou mal coiffée, maquillée ou non, il voit mon dos, il voit mes fesses. Je vois ses yeux qui me regardent et me sourient, étonnés ou taquins, ou indifférents, ou distraits.
Moi, je ne me vois pas. Certainement pas mon dos, encore moins mes fesses. Juste le devant de mon corps quand je baisse la tête. Je me vois de l'intérieur de ma tête...
Soudain, tout change...
Je suis devant mon miroir de la salle de bain (Il est de bonne composition celui-là, par contre celui du coiffeur, il ne m'aime pas, oh non!)
Je vois là une personne. Une femme. D'un certain âge, avec des rides et des sillons. Avec un sourire, et des yeux que l'on dit pétillants.
Je sais bien que c'est moi. Je n'en doute pas une minute.
Je sais bien que c'est moi. Je n'en doute pas une minute.
Impression étrange d'être projetée soudain en dehors de moi, en dehors de mon corps, de mon visage, à m'observer comme je le ferais de n'importe quel vis-à-vis.
C'est moi, c'est bien moi. Pas de doute. Et... ce n'est pas moi...
A l'intérieur je me sens différente de ce que je vois dans le miroir. Celui-ci m'emprisonne dans une image de moi que je ne suis pas sûre de reconnaître. Là je suis cadrée, je ne dépasse pas les limites de ce corps qe j'aperçois dans mon reflet
A l'intérieur de moi, au contraire, je me sens parfois si immense, sans frontières, sans frein, je peux partir et vagabonder où bon me semble, sans que nul ne le soupçonne. Je peux partir dans l'infini de mes espaces intérieurs, et je ne m'en prive pas...ou au contraire, me recroqueviller dans un tout petit coin de ma tête lilliputienne toute petite toute petite. Ça dépend des jours. De mon humeur, chagrine ou joyeuse.
Mais tout est possible à l'intérieur de moi.
Le miroir me rappelle à l'ordre de ma taille, quelconque, objective, pas de rêve, pas de fantasmes, la réalité, le concret, le direct, le cerné.
Je suis moi et je suis moi, et ce sont deux personnes différentes
Celle qui écrit ici n'est pas celle du miroir...
Matisse
Coumarine, je sors de mon silence habituel, ici... pour te dire encore, à quel point je suis admirative en lisant chacun de tes billets ! Et je t'envie. Je sais, c'est pas beau du tout d'envier, mais je l'avoue humblement, comme j'aimerai avoir ce talent d'écrire mes ressentis qui sont si souvent semblables aux tiens !
RépondreSupprimerCapable aussi comme toi, d'une introspection constante sur le plan personnel ou l'esprit humain ... mais c'est si difficile pour moi de l'exprimer en mots par écrit. D'autant qu'une charge émotionnelle presque maladive, anesthésie littéralement mon désir d'écrire !
"Je ne suis pas celle de mon miroir... à l'intérieur je me sens différente de ce que je vois dans le miroir. Celui-ci m'emprisonne dans une image de moi que je ne suis pas sûre de reconnaître."
Combien de fois me suis-je fait cette réflexion!!!! Idem, pour l'image que l'on renvoie à l'autre.. qui ne connaît pas ou si peu, les états d'âme qui nous animent. Puisque même les mots dits peuvent trahir notre pensée, car mal exprimés ou mal compris.
Merci Coumarine, pour tous ces billets dans lesquels je crois, beaucoup de tes lecteurs se retrouvent ! Et mon dieu, que çà rassure !
Ma chaleureuse pensée , Coumarine
"Mais tout est possible à l'intérieur de moi."
RépondreSupprimerVaste espace libre de contraintes (hors celles que l'on se met). Une vie intérieure qui me rappelle ces lacs de montagnes enchâssés dans la roche, sauvages et pourtant si vivants
Tout d'abord, j'ai aimé le commentaire de Chantevel: elle aime retrouver ses sentiments exprimés par toi! Pas seulement parce que c'est bien écrit, mais parce qu'ils sont, peut-être, bien ordonnés par toi pour elle.
RépondreSupprimerC'est vrai que réaliser que d'autres que nous ressentent "des drôles d'idées" et apaisant!
Quant à ton miroir... Moi je suis horrifiée quand je me vois à l'improviste, avec les traits absents, sans un sourire ou une expression pour ... être moi. C'est vraiment comme voir un corps vide, inhabité. J'aperçois une vieille maussade, que je ne suis pas pourtant.
Je suis moi si je souris, ou au moins anime ce visage qui oui, est marqué mais bon ... ça ne m'embête pas. Pas trop, du moins.
Sur les photos, il y en a de plus en plus qui méritent la destruction instantanée parce que comme je suis très expressive, eh bien l'ajoute de rides sur l'expression, ça fait parfois franchement gargouille :). Alors, tout en sachant - et reconnaissant! - que c'est bien moi, après tout ce n'est moi que sous un certain angle, un mauvais jour ... :)
Nous sommes tellement multiples, comment savoir qui est qui?
RépondreSupprimerLe moi du miroir ne me pose pas trop de problèmes. Pas toujours flatteur les jours gris, parfois rayonnant. Je commence à m'y habituer. Il est grand temps !
RépondreSupprimerLe moi qui me dérange c'est celui dont parle un peu Chantevel et sur lequel tu as déjà écrit.
C'est le "Moi" que les autres aiment que je sois. Ce "Moi" qui n'est pas moi, que j'enfile pour éviter les conflits, par lassitude, pour faire plaisir, par convention et aussi parfois par confort.
Ce "Moi", celui des autres, est un carcan. Un carcan que j'ai construit certes, mais un carcan solide qui emprisonne. Un carcan à briser de toutes urgences ??
Vous êtes donc goéland et voyagez dans votre intérieur " immense, sans frontières, sans frein"...quel bonhheur ! L'écriture a, me semble-t-il, lorsqu'on la pratique assiduemnt, ce pouvoir de nous faire voyager en nous, au delà des frontiètres de cette réalité qui est notre lot quotidien.
RépondreSupprimer(gballand : prequevoix)
L'idéal serait de reconnecter ces deux moi... comme toi, cette dichotomie m'interpelle, me fascine, me désespère, me hante ... vivement la plénitude !
RépondreSupprimer(j'aime très beaucoup le bandeau de ce nouveau "chez toi" !)
Très profond ce texte, vu à travers et en dehors du miroir, un texte lucide qui nous rappelle notre multiplicité et surtout que les yeux qui regardent ne vieillissent pas, à l'inverse des visages ...
RépondreSupprimerEt puis toutes ces dimensions qui nous submergent, nous enveloppent, nous étouffent aussi, parfois.
Tu le dis si bien, Coum !
Cela me rappelle ce qui a été assez "problématique" pour moi : je n'étais plus capable "de ne pas me voir de l'extérieur". Quoi que je fasse, j'avais un regard extérieur à moi sur moi, regard forcement négatif. je me voyais comme filmée par quelqu'un d'autre. c'était très éprouvant.
RépondreSupprimerMaintenant, cela ne m'arrive que de temps en temps, et heureusement, parce que ça a le don de me paralyser.
Par contre, quand je regarde l'intérieur de moi, au contraire de ce que tu exprimes pour toi, je ne lis que frontières, nœuds, barrières fouillis. peut-être qu'il faudrait que j'écrive plus pour essayer de démêler tout cela. Je ne sais pas.
Ne serait-ce pas pour notre "moi" intérieur qu'on a inventé le mot "fantasme"...;-))
RépondreSupprimerJe suis bien d'accord avec ton analyse.
en lisant ce billet bien écrit et reflettant un sentiment que l'on a du mal à exprimer , je me dis qu'une fois , pas tellement plus j'aimerais me trouver face à moi , dans la vraie vie
RépondreSupprimerhier soir , j'arrive dans un endroit très familier
de toutes part je reçois des gestes de bienveillance , des bras qui s'ouvrent , des mots gentils , des sourires , des regards complices
certainement que dans mon image il se dégage quelque chose que je ne perçois pas
et ce n'est pas mon miroir qui peut me montrer ça
ça m'inspire un billet , ah oui !
merci
J'aime beaucoup ton billet. Il me parle vraiment. Il y a quelques années, lorsque j'ai commencé à m'intéresser à la sophrologie, je vivais ce décalage quelquefois avec amusement, quelquefois douloureusement. Depuis, j'ai appris à travailler sur mon unité corps-esprit, et il me semble que maintenant je me vis très différemment. Ce qui ne m'empêche pas d'être parfaitement horrifiée lorsque je croise mon image dans le miroir des cabines d'essayage de maillots de bain !!!
RépondreSupprimerJe vous lis depuis pas mal de temps et je vous trouve pathétique ! je vous ai "vu" lachée des blogs, des personnes bien pour aller vers d'autres blogs qui vous arrangent parce qu'ils ont acheté et lu votre livre ...vous allez là où se trouve votre intérêt et je trouve cela vraiment "minable" !!! vous aimez vraiment qu'on vous fasse des "courbettes et vous le rendez bien !
RépondreSupprimerles miroirs feraient bien de réfléchir avant de renvoyer notre image.
RépondreSupprimerje me fais rare en ce moment sur la blogosphère (problème de temps de répartition de l'ordi familial !), et voilà que je découvre que tu as changé de plateforme (pour adopter une des miennes), et avec Théberge (peintre québécois, décédé il y a peu) en bannière !
RépondreSupprimerj'aime vraiment !
et puis ce billet, de jeu de miroir me plait aussi, car il y a comme un jeu de cache-cache que je travaille beaucoup dans mon professionnel
C'est bizarre dans le miroir, je ne me reconnais pas. Ou plutôt je ne me reconnais plus. J'ai encore quelques difficultés à me réapproprier (voire à m'approprier tout court) mon corps.
RépondreSupprimerMais mon intérieur ce n'est pas forcément mieux, il bouillonne (de quoi, j'aimerais bien le savoir).
J'ai comme le sentiment de vivre un peu "en dehors" de moi-même. L'image que me renvoient les autres n'est pas forcément mieux, j'ai donc envie de me cacher.
C'est marrant ces visages multiples que l'on a, que ce soit au cours d'une journée ou d'une vie. Mais c'est sans doute une de ces facettes là qui fait la richesse des expériences et de la vie, non ?
Bonne continuation Coumarine, j'aime beaucoup réfléchir ici...
Quelle plaie,cette fichue carcasse!
RépondreSupprimerA Anonyme: et vous, où peut-on vous lire?
RépondreSupprimerDifficile d'accepter de voir, ou d'accepter tout court, celle qui est dans le miroir quand on préfère celle qui est à l'intérieur. Comme Chantevel, j'ai souvent l'impression de lire chez toi, ce que je ne saurais pas écrire mais que je ressens de façon similaire.
RépondreSupprimerMerci Coumarine.
Pour Anonyme qui te reproche d'aller là où vont tes intérêts...
RépondreSupprimerCela fait deux ans que je "fréquente" Coumarine.
Je n'ai jamais parlé de ses livres dans aucun des espaces internautiques sur lesquels il m'arrive d'écrire. Je ne suis pas une commentatrice régulière de son blog.
J'ai avec Coumarine des relations pleines de respect et de "re-connaissance". Dans ces relations nul intérêt mercantile, nul envie de se gonfler l'égo. Juste être présente.
Facile de critiquer et de répandre du fiel quand on se cache.
(Mon p'tit coup de sang du jeudi matin - naméo !)
A tous!
RépondreSupprimerJ'aime toujours beaucoup lire vos commentaires à la fois témoignages et apport de réflexions.
Contente de revoir Maky ici...
Oui tisseuse, la peinture de ma bannière est de Claude Théberge, que j'aime beaucoup (forcément...)
Et mon avatar est de Françoise Collandre, autre peintre que j'aime vraiment énormément
gballand... je me retrouve tout à fait dans vos mots: pour moi, c'est vraiment ça!
Merci de venir apporter vos propres réflexions à mes petites bafouilles...
Et ne m'en veuillez pas de ne pas répondre àa chaque commentaire...
Coumarine, ne peut-on réconcilier le moi et le moi? le moi profond, le moi intérieur, le moi qui s'élève avec le reflet et ses imperfections, ses expressions surprenantes?
RépondreSupprimerUn bien beau billet...
RépondreSupprimer@Delphine...je crois que le moi et le moi ne se réconcilient VRAIMENT que dans des moments de grâce... tu te crois pas?
RépondreSupprimer@Kloelle...merci...
Se regarder dans le miroir sans complaisance, s'"aimer parfois", se détester aussi mais donner toujours une "même apparence" aux autres ;
RépondreSupprimerje l'ai pratiqué pendant une longue année à la suite du licenciement de mon mari alors que nous étions dans la même société, je peux vous dire que c'est... usant et plus que cela ! Mon moi intérieur était en révolte, alors que mon moi extérieur était silencieux et presque inexpressif ;
après cette douloureuse expérience, j'ai appris à cacher tout ou presque de mes ressentis ; il n'y a qu'en écriture que je suis vraiment moi-même, mais certainement aussi parce que je suis "cachée", sauf pour toi Coumarine, bien sûr.
S'Unir avec son Moi pour être Soi. Tant que je me regarde sans complaisance dans le miroir qui ne me renvoie qu'une image finalement, Je n'atteindrai pas ce Moi intérieur afin de le laisser s'exprimer.
RépondreSupprimerQue nous renvoie le miroir des autres ? Souvent on y cherche ce que l'on ne peut trouver seul avec Soi.
Et le miroir nous renvoie ce que nous voulons y trouver, juge pas lui, nous sommes notre propre regard non ?
Cheminement d'une vie pour se Re-trouver Intérieur et accéder à son vrai Moi, Soi.
Pour les autres, ne suffit-il pas d'être honnête avec soi-même et bien sûr que nous avons des masques sociaux.
Coumarine, je me suis souvent vue sourire de l'intérieur, au début, je me disais, pas possible ça, puisque mon visage ne sourit pas.
Comme si une autre personne souriait alors que j'écoutais de la musique par exemple.
D'accord avec fille de l'eau! Mon visage peut être éteint parce que je ne "fais" rien et suis seule - ou isolée. Mais "je" peux justement être en train de sourire en pensant à des choses qui me ravissent. A l'intérieur, je souris. Mais ce n'est pas la peine d'allumer dehors ....
RépondreSupprimerdifficile de se voir pour de vrai dans un miroir...En tout cas pour moi...je ne sais pas comment me voit les autres moi j'ai du mal à me voir alors... toujours de belles paroles merci
RépondreSupprimerbises
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RépondreSupprimerJe vins à l'intérieur et je montre l'extérieur. Je suis jeune et on me voit vieille. Prison du corps autant que du langage! (je lis ton blog à l'envers, absente depuis presqu'une semaine!)
RépondreSupprimerCette description me fait curieusement penser à quelqu'un... ;-)
RépondreSupprimerBel après-midi, Coumarine !
Tes notes me font reflechir - fantastique!
RépondreSupprimerJe suis aussi, la plupart de temps tout a fait autre que le miroir ou les photos des autres me montrent.
Surtout, depuis que j'ai de nouveau reprise de poids.
Pas loin du miroir, j'ai mise cette photo d'une fillette de trois ans, perche sur une boite et osant tout, cette petite fille est toujours en moi. Des fois, on peut la voir de mon sourire, mon regard. Elle n'a pas disparu tout a fait.
J'adore ce texte... Belle finesse de vue...
RépondreSupprimermerci à tous
RépondreSupprimer(merci Jean-Pierre...-