vendredi 29 mai 2020

Le grand marché

Mon amie Floraise a écrit ce texte qu'elle m'a transmis 
Je l'ai apprécié, il interroge chacun.e de nous

Le grand marché
Il attire il attire, c’est fou le monde qu’il attire... le grand marché des
certitudes:
"C’est certain il y aura un rebond. Après le covid 19 le monde aura changé
vous verrez!  Moi je suis sûr tout redeviendra comme avant. Nous serons
tous marqués psychologiquement! Une crise comme celle-ci va changer
notre mode de vie. Et les entreprises? 50% vont disparaître! Les voyages
en avion? Tu oublies! De toute façon on va droit dans le mur! Des crises, il
y en aura encore je n’ai aucun doute là-dessus...etc..."

- Et vous , madame, vous en pensez quoi?
- Moi, je n’ai aucune certitude. Enfin ...si...une.
- C’est pas beaucoup ça ...
- Les certitudes, c’est très lourd à porter
- ?
- Toutes ces assertions... Chercher à maîtriser...contrôler...Pour le plaisir
d’avoir raison. Résultat : orgueil...arrogance...ou au contraire dépit...
désillusion... Marcher sa vie avec de telles pierres dans son sac à dos!
Je suis plutôt du genre à laisser les portes ouvertes à tous les possibles.
- Vous en avez pourtant...une?
- Une seule. Celle de mourir. C’est un fardeau léger.
- ?!!! Pas trop vite quand même...
- Pas nécessairement...
- ?
- Le “comment” m’importe davantage.
Le soir tombe.
Je repars d’un pas lent avec mon unique certitude.
Et la prière du poète :
«Seigneur,  donne à chacun sa propre mort… » R. M. Rilke


 Voici le poème en entier de Rilke:

O mon Dieu, donne à chacun sa propre mort,
donne à chacun la mort née de sa propre vie
où il connut l'amour et la misère.

Car nous ne sommes que l'écorce, que la feuille,
mais le fruit qui est au centre de tout
c'est la grande mort que chacun porte en soi.

C'est pour elle que les jeunes filles s'épanouissent,
et que les enfants rêvent d'être des hommes
et que les adolescents font des femmes leurs confidentes
d'une angoisse que personne d'autres n'accueille.
C'est pour elle que toutes les choses subsistent éternellement
même si le temps a effacé le souvenir,
et quiconque dans sa vie s'efforce de créer,
enclôt ce fruit d'un univers qui tour à tour le gèle et le réchauffe.

Dans ce fruit peut entrer toute la chaleur
des coeurs et l'éclat blanc des pensées ;
mais des anges sont venus comme une nuée d'oiseaux
et tous les fruits étaient encore verts.

Seigneur, nous sommes plus pauvres que les pauvres bêtes
qui, même aveugles, achèvent leur propre mort.

Oh, donne nous la force et la science
de lier notre vie en espalier
et le printemps autour d'elle commencera de bonne heure.

lundi 25 mai 2020

Sur la consigne proposée par Le Goût



Mais que diable peut-il bien lui raconter ?
Où veut-il en venir.
Qu’attend-elle ?
Que pense-t-elle de sa ballade ?
À l’instant je n’en sais rien.
Grâce à vous j’espère en savoir plus lundi sur ce que vous inspire cette toile d'Aldo Balding.
"Il pourra me dire tout ce qu'il veut, je ne le crois pas: je ne peux m'empêcher de me méfier de lui. Oh! évidemment, il est bien de sa personne, n'importe quelle femme plongerait dans ses yeux et ses belles paroles...elles sont si jolies, si engageantes, si prometteuses... mais pas moi! Non! pas moi! N'insiste pas! Change de baratin, va en séduire une autre! Comme tu vois il n'en manque pas de ces mijaurées qui cherchent un mari, un compagnon. D'ailleurs ce genre de soirée qui réunit des gens triés sur le volet est fait pour ça: autour d'un verre, que dis-je, deux ou trois, on perd un peu de son sens critique, on plonge dans une douce euphorie et on est prêt à croire n'importe qui et n'importe quoi!"

La jeune femme se tient légèrement en retrait du beau jeune homme qui la baratine, elle attend de voir, elle attend qu'un autre s'adresse à elle. Ou alors elle se dit que dans peu de temps, elle se lèvera et plantera là son vis à vis pour aller vers ailleurs, dans un autre coin du salon pour découvrir un autre homme qui lui conviendra mieux, quelqu'un qui provoquera en elle autre chose qu'une méfiance incoercible. Elle se force à ne boire qu'un seul verre pour ne pas perdre le contrôle des événements.
Mais soudain son attention est attirée par un mot qu'il vient de prononcer et qu'il répète encore pour être sûr qu'elle a bien entendu: elle est submergée par une colère froide, immense, dévastatrice: il a dit...

"COUPEZ, hurla le metteur en scène, coupez, ça ne va pas, ça ne va pas du tout! C'est mou! Pas convaincant du tout! Allez! on recommence! Mais oui, Graziella, ne fais pas cette mine là, on RECOMMENCE! mets-y un peu plus de conviction : tu sais bien que c'est le moment central du film... Il faut qu'on sente que tu hésites: aimeras, aimerais pas? Ton regard, ton attitude.... tout quoi, tout doit parler de cette hésitation...

MOTEUR...(et que ça saute, j'en ai marre moi...)


samedi 23 mai 2020

Lambeaux

Hier, je vous ai parlé de Charles Juliet, un écrivain que j'ai découvert depuis quelques années déjà et que j'aime beaucoup
Plus exactement j'aime énormément un petit livre profondément sensible où l'écrivain parle de sa mère biologique, qui à sa naissance à sombré dans une grave dépression
Internée elle vivra comme dans une prison, sans personne autour d'elle qui a pu la comprendre.

Puis lors de la guerre 40, elle sera victime de "l'extermination douce", pratiquée par les Allemands pour se débarrasser de ces bouches inutiles

Ne plus donner à manger, les laisser mourir de faim... quarante mille personnes sont mortes ainsi!
Incroyable la folie meurtrière des hommes...
 Ce court texte m'a en son temps terriblement touchée... J'ai reconnu en moi cette détresse de ressentir tant de choses sans pouvoir les exprimer, faute d'écoute véritable.

Ce texte s'appelle Lambeaux
J'ai eu le bonheur de le voir interprété par une actrice fabuleuse à Lyon, ville natale de Charles Juliet, en présence de l'auteur: ce fut magnifique et très émouvant

(demain je vous parlerai de Bram Van Velde, devenu ami avec Juliet: que se passe-t-il quand deux personnes certes douées mais très réservées l'une et l'autre, se rencontrent?

vendredi 22 mai 2020

Page blanche

c'est curieux
très curieux

quand j'écrivais chaque jour un court billet pour "célébrer" (ouais bon!) le confinement, je n'avais aucun problème pour alimenter mon blog, les articles me venaient sans trop réfléchir

j'ai ainsi écrit d'affilée 44 billets jour après jour et je me souviens que j'attendais avec une certaine impatience de pouvoir écrire le suivant.

Puis j'ai arrêté, j'ai fait une petite pause, me promettant de revenir très rapidement.
Silence radio depuis 8 jours!
Et... rien qui me vient!

Moins j'écris, plus mes idées se terrent...
Pour en sortir je sais qu'il me faut écrire à nouveau
C'est simple, si je veux alimenter mon blog, il faut que je... l'alimente... même sans savoir vraiment ce que je pourrais dire... c'est comme ça! il faut enclencher la machine
Le nombre de fois que je l'ai répété aux participants de mes ateliers d'écriture, qui peinaient sur le blocage de la page blanche.

Donc je sais très bien ce que je dois faire: ouvrir une page et taper sur les lettres du clavier, même sans rien dire de transcendant, par après on peut effacer et continuer sur sa lancée
Donc COMMENCER!

 Bon c'est ce que je fais et tant pis pour ce billet un peu quelconque, sans poésie, sans effet de style
Il n'est pas inutile pour moi, j'espère avoir ainsi renoué avec l'écriture courte, comme j'aime...

Bonne soirée à vous

peinture de Bram Van Velde, ami de Charles Juliet

https://www.youtube.com/watch?v=P6EBjT-wGSo

vendredi 15 mai 2020

le coeur élargi

Elle a pris, croyait-elle, le chemin le plus court
le droit chemin, long, imperturbable, monotone
mais un jour, elle a perdu le fil,
s'est retrouvé sur un chemin buissonnier
là où mille et une fleurs des champs
souriaient de bon coeur au ciel bleu
accompagnant le chant des oiseaux

évidemment elle est arrivée très en retard
mais le coeur élargi par tant de beauté


photo coum 

Dans un fouillis pas possible de mauvaises herbes, soudain la merveille: trois coquelicots dont le premier qui n'arrêtait pas de me sourire

lundi 11 mai 2020

une infirmière comme les autres


Je vous présente ma fille
celle qui travaille à l'hôpital, dans l'unité Covid-19

Comme vous le voyez elle a trois masques au visage: celui qui se rapproche de ceux que tout le monde porte, bouche et nez protégés et les autres dont celui qui lui enserre le front et qu'elle a parfois bien envie de dévisser, et enfin celui en plastic transparent qui lui donne une protection supplémentaire
Et puis il y a le fameux vêtement qu'elle ne peut pas enlever sous peine de devoir recommencer la série fastidieuse de la désinfection

Bien sûr, elle pourrait se dire qu'elle n'est plus libre, qu'elle doit contrôler chacun de ses gestes. Elle ne peut se permettre d'être émue en voyant tel patient décliner, car elle a peu de possibilités d'essuyer ses yeux ou de se moucher
Et pourtant comme vous pouvez le voir, elle sourit! enfin.. ses yeux sourient!

Elle aime son métier, même quand elle doit s'occuper d'un patient  qui ne contrôle plus ses urines ni ses sphincters. Elle est courageuse, ma fille, très!

Mais le soir elle rentre crevée... et parfois en colère d'entendre certain.e.s qui rouspètent de devoir porter un masque qui les empêche de respirer!!! et qui réduit leur sacro-sainte liberté
Elle a envie de les inviter dans une chambre covid pour toucher du doigt et du nez les réalités douloureuses du terrain en clinique


jeudi 7 mai 2020

c'est mieux à l'envers

Tant de décisions imbéciles
tant d'articles mensongers
tant de silences lâches
tant de critiques faciles par ceux qui ne font rien
mais qui prétendent tout savoir, bien mieux que les autres,
tant de soupes - épaisses- à la langue de bois

et... OUF
soudain une étoile, toute petite, toute maigrelette
une étoile qui ne croit pas vraiment qu'elle est une étoile

C'est souvent comme ça!
il faut tourner sa vie
pour la déchiffrer en hésitant, en ânonnant  parfois
travail très sérieux que l'on peut faire
en souriant: envers, endroit
parfois c'est bien mieux l'envers,
il est plus honnête, plus droit, plus respectueux



lundi 4 mai 2020

Déconfinement en Belgique

Aujourd'hui en Belgique, on commence le déconfinement!
Prudemment, timidement, lentement!
On peut sortir avec deux personnes plutôt qu'une! vous parlez d'une liberté retrouvée!
On peut faire du kayak, mince quel bonheur! Ca tombe bien, j'en fais tous les jours ;-)
On peut aller dans une mercerie rapport aux masques qu'on peut fabriquer soi-même (merci cher gouvernement de nous permettre de pallier tes manquements! Quelle saga ces masques! pffffffffff)
Et encore ceci: euh... euh...  zut j'ai oublié, faudra que je regarde bien le journal télévisé ce soir pour bien me rappeler de tout! et agir en conséquence!

 Héhé,  vous les Français, ce n'est que le 11mai que vous commencez le déconfinement
Prudemment, timidement, lentement!  évidemment!
C'est de la chance hein pour les Belges! une vraie chance (kayak, promenades à deux, merceries ouvertes, et le reste que j'ai pas retenu...
Tiens à propos je ne sais pas si chez vous il y a beaucoup de merceries... dans les villages de la France profonde... cette France si belle, si prisée des touristes qui ne viendront pas...

Mais on ne peut pas encore embrasser nos aînés, ni notre famille...
Les liens essentiels, ceux qui font vivre nous manquent terriblement

Mon fils se propose de venir fin de semaine, dans notre jardin, à deux mètres de distance, nous partager un peu de lui, de ses enfants, de sa vie

Dans le jardin, à deux ou trois mètres de distance, PROMIS...



Vous voulez savoir comment je vais?
comme une confinée qui restera encore confinée un certain temps!
Et j'attends le retour des coquelicots et des hirondelles