vendredi 21 juin 2019

extrait de mon livre


Que veux-tu que je fasse pour toi ? 
Seigneur, faites que je voie… 
Dit l’aveugle de Bethsabée à Jésus.

Qu’est-ce que voir ? Que demande cet homme à Jésus ? Bonne question : j’aurai beaucoup de temps pour y réfléchir. Pour l’instant, je pleure.
Car ce matin, l’œil gauche a rendu son dernier soupir : c’est fini ! Il ne voit plus rien. Définitivement mort. Quelques jours ont suffi, qui l’aurait cru ?

Docteur, je vous en prie, faites que je voie…

Hélas, c’est irréversible, me disent les médecins d’un air désolé. Le nerf optique est bien mort ! Allons courage, il faut sauver l’autre œil ! Voilà l’objectif prioritaire. Je regarde la perfusion de cortisone couler goutte à goutte dans mon bras gauche. L’œil est mort et pourtant il semble rester vivant, il accompagne fidèlement l’autre dans ses promenades, à droite, à gauche, en haut, en bas. Tout paraît normal, personne ne peut deviner quoi que ce soit ! Mon œil mort fait semblant d’être en bonne santé.

« On ne voit bien qu’avec le cœur » dit le renard au Petit Prince. J’ai toujours aimé les mots de Saint-Exupéry mais cette fois, je me rebelle. Je ne veux pas me contenter de la vue du cœur. J’ai fait cela durant des années, en m’occupant de mes enfants, de ma famille, des autres, à travers tous les gestes et regards gratuits d’attention et d’écoute. Mais j’ai  besoin de mes yeux pour vivre, admirer les paysages, me plonger dans mes livres chéris, continuer à écrire, découvrir d’autres mondes, d’autres cultures, d’autres histoires, pour deviner d’un seul regard que quelque chose ne va pas chez ceux que j’aime, pour voir grandir et changer mes petits enfants, pour guetter sur les visages une humanité à déchiffrer, pour admirer tant de tableaux, tant de beautés, tant de splendeurs !

Et puis très vite surviennent les questions sans réponse, qui passent et repassent comme de petits refrains têtus dans la tête, s’éloignent un moment, puis reviennent, lancinants, accélérant les battements du cœur. Pourquoi cela m’est-il arrivé ? Que n’ai-je pas vu ? Qu’ai-je refusé de voir ? A côté de quoi suis-je passée, consciemment, ou non ? Les questions se succèdent, au pas de course, au pas de folie. J’en perds le souffle. J’ai le sentiment qu’il me faut découvrir le pourquoi du comment si je veux m’en sortir. La fameuse clé que je ne possède pas et qui m’oblige à patienter (piétiner ?) devant une porte close. La maladie sera-t-elle l’occasion d’une prise de conscience salutaire ? D’une façon nouvelle d’appréhender la vie?  Est-ce là son sens profond ? Ou au contraire m’engloutira-t-elle dans un puits sans fond, sans espoir et dépourvu de sens ?

C’est étrange comme parfois, il nous faut recevoir un coup de semonce pour réaliser qu’il est temps, de réorienter sa vie, de réfléchir à l’important, à l’essentiel. Ce n’est pas la première fois que ça m’arrive. Des problèmes de santé, j’en ai eu, comme tout le monde, qui me sapaient l’énergie et le moral dont j’avais tant besoin à pour élever mes cinq enfants. Chaque fois, ce fut un moment de prise de conscience, le moment des bonnes résolutions tenues vaillamment, avant de retrouver mes sillons de confort, qui n’ont rien à voir avec ceux de la sérénité, de la plénitude authentique…

Ces questions et réflexions bien sûr ne sont pas des questions exclusivement réservées à la personne qui brutalement a été touchée par l'artérite temporale (maladie de Horton)
Tout le monde, même en dehors de la maladie, se pose tôt ou tard ce genre de questions existentielles et aura grand profit à lire cet ouvrage (ce n'est pas moi qui le dit, mais les lecteurs qui l'ont déjà découvert)

Evidemment ce ne sont pas des réflexions de bronzette, à mener sur une plage, à moitié nu, au soleil ou dans l'eau (quoique... pourquoi pas...?


mardi 18 juin 2019

comme des papillons frémissants...


En moi, malgré moi parfois se glissent des larmes. Des larmes que le mouchoir ordinaire n'arrive pas à assécher…
Ces gouttes de larmes sont cachées au plus profond de mon être. Ce n'est pas un bon temps pour l’espérance. Ce n'est pas davantage un bon temps pour le clavier. Ni pour le cahier.

Bon.
Je reprends mes lignes cent fois réécrites, que j’aurais voulu légères, comme des papillons frémissants… il faut absolument que je puisse voler, m’échapper vers la lumière, me réfugier sur la canopée de ces arbres que je vois au loin qui frissonnent de beauté, m’emmitoufler de nuages légers, jouer à être un ballon flottant dans le vent…
Zut…
Le doigt se pose malgré lui sur un mot inopportun...
Il voulait écrire souffle et non gouffre... c'est si profond, si effrayant le gouffre, on se perd dans le gouffre, il n’y a personne dans le gouffre, là c’est le noir, la solitude, la confrontation avec les démons. Il y a tant de démons dans mon corps malade. Ils l’ont squatté, les vilains méchants, les ignobles grimaçants !

Il me faut apprendre les pas de la danse nouvelle…

Danser des pas nouveaux, facile à dire… la fatigue est tellement vaste, pesante, énorme, géante, je n’aurais jamais cru cela possible… 

J’ai faim, de paix et de pain,  je suis donc toujours vivante. Me voilà rassurée, il y a des moments où j’en  douterais… 

vendredi 14 juin 2019

D'aucuns disent que c'est le paradis!

Un voyage... le voyage que j'ai fait en Croatie
Pour moi, le paradis et l'enfer
Beauté des paysages, mer et montagnes mêlés, qui se découpent sous un ciel d'un bleu incroyable, un bleu qui répond à celui de la mer... qui caresse les maisons de sa magnifique lumière !
Mais un tourisme de masse, un monde fou qui circule dans les ruelles étroites des villes et villages ressuscités après la terrible guerre de 91, qui a imprimé sur et dans les maisons des marques qui font mal...
Étrange paradoxe... ainsi est fait l’être humain attiré par le beau, et capable du pire
Hélas impossible de faire des photos... mais j'ai dans mon coeur des paysages superbes dans lesquels je peux me replonger comme je veux, quand je veux !

Je suis partie blessée à la jambe, je reviens toujours blessée à la jambe qui ne parvient pas à guérir: mais je suis fière, j'ai été ma propre infirmière, renouvelant mon pansement tous les jours: je deviens une pro en soins infirmiers!

En dépit de très bonnes lunettes solaires, le soleil me brûlait mon précieux oeil! J'ai paniqué un peu croyant que je devenais aveugle
Suis donc allée ce matin à la clinique, faire examiner mes yeux, et ma jambe... rha la la, marre de la clinique, mais quelle chance qu'on soit prêt à me recevoir en urgence: je suis un cas il faut dire, on me connait, et on me traite les plus rapidement possible... quelques paroles de réconfort (qui dira l'importance de l'écoute attentive des soignants!) et je repars avec deux sortes de gouttes à mettre dans les yeux!

Je parlerai de mon livre demain. Il commence à faire son chemin...