Tiens toi droite! Et rentre ton ventre! Serre les fesses! Tu te tiens mal, très mal, et bossue avec ça..
J'entends encore ces injonctions. Elle n'était jamais contente. Pour rien. Pour tout.
Moi je faisais de mon mieux: je serrais les fesses, rentrais le ventre, je me tenais droite, crispée comme un arbre mort
Je croyais faire de mon mieux, être plus belle comme ça, plus séduisante, surtout quand je rencontrais les autres: il me fallait être au mieux de ma féminité, càd de ma taille fine
Puis sont venus les enfants, un à un, de gros enfants!
et le ventre s'est gonflé, les hanches se sont épaissies, les seins se sont remplis
Trop! Au secours!
Alors... gymnastique, exercices divers et variés, de ceux qui donnent des courbatures pendant trois jours au moins
Tiens toi droite! C'est quoi ce gros ventre? Cet affreux gros ventre, ce ventre plein d'intestins et d'organes qui m'encombrent? Ce ventre plein de nourriture?
Exercices au sol, debout, assise, encore et encore et encore, pour effacer ce foutu gros ventre
Et ça marchait, enfin plus ou moins: on m'admirait, on me demandait comment je faisais pour garder ce ventre plat de mannequin anorexique!
Jusqu'à l'heure du grand chambardement! Une maladie auto immune et les médicaments qui vont avec.
Effets secondaires: un ventre qui gonfle, et cette fois, c'est foutu, rien à faire!
Alors je l'ai regardé avec compassion, mon "centre de vie". Mon deuxième cerveau. Je l'ai apprivoisé. J'ai commencé à l'aimer je l'ai laissé vivre sa vie...
Mon ventre... Là où j'ai porté quatre beaux bébés. Un ventre magnifique...
Un ventre- coussin pour accueillir les larmes et le sommeil de mes enfants petits. Et même pour accueillir l'amour de l'Homme
Alors, ce ventre, je l'ai laissé être lui-même, Je ne l'ai plus rentré coûte que coûte: il est bien là où il est! Il est bien comme il est!
C'est un ventre d'amour