mardi 28 février 2012

Le grand taire

Extrait de "L'enfant à l'endroit, l'enfant à l'envers", Ed traces de vie, 2008


Elle a trois ans et collectionne les crises d’asthme, comme d’autres collectionnent des peluches ou des poupées. Ou plus tard, des bons points à l’école.

On décide de l’envoyer à la campagne chez de vagues connaissances. Il lui faut ab-so-lu-ment le grand air : c’est ce qu’a décrété le médecin de famille du haut de ses lunettes sévères. Oui, à ce moment-là, on ne se posait pas toutes ces questions compliquées pour savoir pourquoi une petite fille mignonne comme ça, pouvait bien s’étouffer dans des crises d’asthme aigu. Cette enfant a de l’asthme, point ! Il lui faut le grand air, ça paraît évident, point ! (pourquoi  GRAND air ? Etait-il donc si étriqué l’air qu’elle respirait en famille ?)

Donc va pour le grand air ! [...]
Bien sûr on ne lui demande pas son avis. Les petites filles de trois ans n’ont pas à donner leur avis. On décide au-dessus de leur tête. Entre têtes de grandes personnes. De toutes façons, c’est pour son bien, n’est-ce pas ?

Un dimanche ordinaire. Une belle promenade en voiture. Le temps est au soleil et à la fête. Il y a cinq personnes dans cette voiture : à l’avant les parents, à l’arrière les trois enfants. Ça doit chahuter, rire et sans doute se disputer dans la voiture derrière, et ça doit forcément se fâcher dans la voiture devant, car la mère n’aime pas quand il y a trop de bruit. [...]

Arrivée joyeuse, bonjour, bonjour, comment ça va depuis le temps ? Très très bien et vous ? Café, petits gâteaux, bavardages divers et variés, petits enfants jouant gentiment dans le jardin, pas se salir hein les enfants ! Grosse valise montée à l’étage. Tout va très bien Madame la marquise.
Trois heures et quelques cafés plus tard, on part… en catimini. Enfin, les parents et deux enfants seulement. La petite fille reste sur le carreau, là où il y a le grand air…

La voiture [..] s’éloigne inexorablement. Les mains des deux frères s’agitent à l’arrière. Une petite fille court derrière cette foutue voiture qui ne l’attend pas, qui ne se rend pas compte qu’on l’oublie, qu’on part sans elle. Cris de la dame qui lui dit de revenir immédiatement, qu’elle va se faire écraser et qu’elle doit obéir.

Elle cesse de courir, revient piteusement. La dame lui prend la main et l’entraîne dans la maison, tu verras tu seras très bien ici. La dame est gentille. Mais elle se débat furieusement, elle ne veut pas rester dans cette jolie maison, ses pieds se débattent, donnent des coups dans le vide. Elle se dit qu’elle a dû être une très vilaine fille comme maman l’a si souvent dit : elle a été méchante, tellement méchante qu’on ne veut plus d’elle. Alors on l’a conduite ici loin de tout et elle ne reverra plus sa famille. Plus jamais.

La petite fille pleure à gros chagrin dans son lit trop grand, seule dans cette chambre inconnue où il y a plein de loups en dessous de son lit et aussi dans la grande armoire, là et derrière la porte ! Elle veut serrer contre elle son doudou… non, son doudou elle l’a oublié, ou plutôt elle ne l’a pas pris avec elle : elle ne savait pas qu’elle dormirait dans cette chambre pleine de loups en dessous de son lit. Et sa maman s’est bien gardée de le lui dire. Que voulez-vous, elle ne voulait pas d’ennuis, de crises de larmes et ce genre de choses. Surtout pas de problèmes… surtout pas… sois sage hein ma fille, pas faire de manières, c’est pour ton bien ma fille…

La petite fille est restée six mois dans cette maison. Le grand taire l’a guérie de son asthme, mais elle est revenue amnésique de beaucoup de ses souvenirs. Elle se souvient juste des loups en dessous de son lit…

dimanche 26 février 2012

Elle...

Quand il s'agit d'écrire un récit autobiographique, vaut-il mieux écrire en "elle/il"? ou en "je"?

Mon livre "L'enfant à l'endroit, l'enfant à l'envers" a été écrit en utilisant les deux approches
Je mets en scène trois femmes de génération différente: la grand mère, la mère et la petite fille
La petite fille s'exprime en "Elle"

Ce personnage qui parle en Elle permet à ce Elle de devenir davantage "littéraire"
Quand on entre dans le "littéraire" on s'éloigne quelque peu du strictement réel (à savoir les choses se sont passées exactement comme ça, promis juré!) de l'historiquement correct, de la vérité pure et dure, que  personne ne peut mettre en cause

Le Elle/Il  peut se permettre de "jouer" avec la vérité. C'est en cela que le texte devient "littéraire", même s il ne dit que la vérité, du moins aux yeux de l'auteur
mais on sait bien, n'est-ce pas, que la vérité change de coloration selon qu'elle est approchée par X ou Y, et cela en toute bonne foi!

J'aime écrire en utilisant la 3ème personne... comme le dit MyZ (e d'autres) dans un comm sur mon billet précédent, cette façon de faire permet aussi le surgissement d'une émotion chez le lecteur, surtout quand il reconnait quelque chose de lui-même dans ce qui est raconté, peut-être pas nécessairement au niveau des événements, mais au niveau des sentiments exprimés

Remarquez d'ailleurs que sur les blogs, dès qu'un blogueur écrit en ELLE/IL, ses mots deviennent plus "littéraires" que s'il fait un simple récit en JE

En ce qui concerne mon livre: écrire en Elle m'a permis de prendre une certaine distance par rapport à l'enfant que j'étais, comme si je racontais l'histoire de qqun que je connais mais qui n'est pas moi, tout en étant bien moi 

demain je vous mettrai un extrait de ce livre...un extrait concernant la fillette, écrit donc en Elle

jeudi 23 février 2012

incompatibilité...peut-être...

Elle se calfeutre dans le moelleux tendre de son peignoir
Sa tasse de thé rêve sur le bureau à ses côtés, qu'elle boit à petites gorgées bienfaisantes. Elle guette et savoure la lente descente du breuvage qui hélas refroidit bien trop vite
Alors elle abandonne le reste du thé à mi chemin du bol, dommage!

Elle dresse un bilan sévère des jours précédents: elle a le choix entre se mettre en colère, se décourager, abandonner le combat ou, mais oui, se réjouir des tous petits bonheurs
Genre savourer le pamplemousse rose quotidien, ou le petit carré de chocolat noir de très noir sans sucre ajouté

Mais voilà que quelqu'un la met en garde contre les méfaits du pamplemousse, conjugués aux médicaments qu'elle prend...
S'il vous plait, ne lui dites pas qu'elle doit AUSSI renoncer aux pamplemousses tant aimés, qu'elle prend en toute innocence, compte tenu n'est-ce pas, des bonnes vitamines de ce fruit?

Elle en parlera mardi prochain au médecin qui s'occupe de doser correctement ses médicaments. Elle lui fait confiance, totale confiance, ce médecin de médecine interne l'a déjà tirée d'un mauvais pas.
Les pamplemousses d'ici là dormiront dans leur panier, ou alors, un de ses enfants passant par là les kidnappera avec son assentiment et un brin d'envie




mardi 21 février 2012

Une année n'est pas l'autre...

Une info vite fait
La Foire du livre (Bruxelles) se tiendra du 1 au 5 mars prochains, sur le site de Tour et Taxis

Je serai en séance de dédicaces au stand de la SABAM, le samedi 3 mars de 16h à 17h

et heureuse de vous y rencontrer

du moins si ma santé me permet de m'y rendre... dans une foule, je perds mes repères, je déséquilibre... et hélas, je fatigue très vite
Cette année (académique) est une année entre parenthèses, pour moi du moins
Je constate que disparaître de l'horizon littéraire m'en efface quasi totalement... aucune invitation reçue à participer à un forum comme l'année dernière
C'est comme ça, et sans doute pour une année encore

Je vous l'ai dit, je suis en train d'écrire mon témoignage sur la maladie qui m'a atteinte depuis plus de six mois
Cette écriture n'est pas évidente: elle m'oblige à me souvenir de tous les moments difficiles que j'ai déjà traversés. Elle me laisse deviner ceux qui m'attendent encore
Et en même temps c'est comme une libération de pouvoir écrire cette expérience si dense, si forte, si inattendue, qui me mène sur des chemins que je n'imaginais pas, qui ne sont pas tous négatifs
Je sais aussi que de partager un témoignage de vie peut-être vivifiant pour ceux qui sont en train de traverser le même
C'est pour cela que je continue, jour après jour, malgré la lenteur avec laquelle mes mots se déposent sur l'écran.

jeudi 16 février 2012

A propos d'un poil qui se hérisse;-))

Bon!
Ce n'est jamais que la troisième fois que j'annonce la fin de mon blog! (vous avez remarqué que j'avais gardé une porte de sortie, évoquant un possible retour?  Tout -à- fait moi ça! ;-))

Donc comme l'assassin sur les lieux de son crime, je reviens rôder par ici dans l'envie quasi irrépressible d'écrire un billet...
Parce que vous savez quoi?
Je suis trop attachée à mon blog pour l'abandonner définitivement: mon intention d'en terminer ne dure que quelques jours. 

Puis je dors trois ou quatre nuits et comme par hasard, ma décision s'effrite comme un tricot dont on tire un à un les fils
Et puis je lis vos commentaires, dont certains me donnent matière à réflexion! D'autres me font du bien...

Donc me revoilà, contente de revenir, sans savoir trop bien comment ce blog va évoluer

Tiens j'avais juré de parler de ceci:
Quelqu'un m'a écrit qu'il me lisait fidèlement, mais qu'il mettait rarement un commentaire parce que l'atmosphère de mon blog lui hérissait le poil...oui oui il a écrit ça!
Et pourquoi? parce que vous les commentateurs, vous êtes toujours bienveillants avec moi et que sans doute je provoque cela par le contenu de mes billets...

Donc j'ai pensé que je pourrais faire une expérience: devenir hargneuse, revendicatrice, plaintive, dépressive, râleuse, attaquant tout et tout le monde, tournant indéfiniment dans mes problèmes affectifs et autres
Et compter sur vous pour mettre des commentaires hargneux, râleurs, provocateurs etc... pour que le poil de ce monsieur puisse se recoucher tranquillement ;-)))

Surtout surtout ne me dites rien de positif sur ce billet...j'aimerais savoir si ça vous irrite le poil ou autre chose, que je décide la plupart du temps de rester positive (c'est une décision croyez-le bien, en ces temps désespérants)
Il me faut avouer que ce n'est pas dans mon caractère de provoquer, ni de devenir ce que je ne suis pas (hargneuse etc)
Et j'apprécie, surtout en ces moments ci, que vous soyez comme vous êtes:  m'accompagnant avec fidélité et chaleur humaine, même si je commente peu sur vos blogs à vous
Quoi qu'il en soit... je suis là, et heureuse de revenir

samedi 11 février 2012

Je reviendrai... ou pas...!

Au début, il m'a fallu encaisser le choc!
Maintenant, six mois après, il me faut entrer dans la persévérance, la patience, la longue patience...

Je n'ai plus le courage, ni de varier les sujets (je tourne en rond je crois), ni de vous lire, vous qui avez vos propres difficultés et vos joies, ni de vous commenter

Il semble que le temps du blog soit (provisoirement?) terminé pour moi
J'ai tenté de "tenir" un maximum

On verra...
Je reviendrai peut-être
peut-être pas
Coumarine vous dit au revoir
Prenez soin de vous

jeudi 9 février 2012

Avoir confiance en soi

Ce matin, long coup de fil avec ma fille infirmière, qui comme souvent depuis début aout, me demande de mes nouvelles
Depuis quelques jours, ce n'est pas brillant: je le lui dis!
Notre échange s'approfondit: elle me confie sa grande tristesse de ne pas avoir été plus "vigilante" sur le sérieux de mes symptômes (entre autres la diplopie!), de ne pas m'avoir conseillé d'aller sans tarder aux urgences
Je lui dis ce que je lui ai répété durant tous ces mois; il n'y a pas en moi l'ombre d'une "rancune" bien au contraire, c'est elle qui le fameux samedi 13 aout m'a emmenée d'urgence à l'hôpital, alors que j'étais seule et ne savais que faire, en véritable état de sidération!
Elle est restée à mes côtés toute la journée, attentive, aimante, précieuse. Sans elle, je perdais complètement la vue, il était plus que temps que je sois traitée!

Ma fille s'est mise à pleurer: son ressenti de culpabilité, elle l'éprouve surtout vàv d'elle, parce qu'elle n'a pas osé  mettre en doute le diagnostic du généraliste (sinusite!), de même que l'absence de réaction de mon ophtalmo (je vous revois dans 4 mois!!)
Ma fille me dit que c'est sa confiance en elle (je vous rappelle qu'elle est infirmière en hôpital de jour) qui en a pris un coup
Moi je l'ai vue dans l'exercice de ses fonctions: elle est efficace et chaleureuse... appréciée de tous!
Mais cela ne suffit pas à la rassurer... 
Elle sait que je ne lui en veux pas du tout (mon dieu, JAMAIS, à aucun moment je n'ai eu ce genre de pensée, alors qu'elle a été pour moi un ange gardien comme je n'aurais pas pu en rêver un!)
Elle s'en veut à elle! et elle traine cette "blessure" depuis 6 mois!

Aujourd'hui nous avons pu en parler pour la première fois
Sans doute devra-t-elle en  parler à un pro qui l'aidera à "nettoyer" cela (ou une personne qui sait écouter et qui n'est pas moi!)

Mais depuis ce coup de fil (qui me fend le coeur) je me demande si le manque de confiance en soi, ne fait pas partie des caractéristiques du genre humain (au même titre que d'éprouver du stress en cas de danger par exemple)
Ma fille me dit qu'elle a grandi dans une famille qui n'a jamais dévalorisé les enfants, au contraire, nous avons eu à coeur de les encourager, de les confirmer dans leurs qualités!

Alors? d'ou vient ce sentiment de doute sur soi-même?

Que moi-même j'éprouve sur la façon dont j'ai été mère, sur la façon dont je suis animatrice, et surtout sur la façon dont je suis auteure (je doute à tout moment à propos de ce que je suis en train d'écrire, et mes livres précédents, je les ai à peine promus!)

Chacun de mes enfants à sa dose de manque de confiance en lui (elle) et je vois que c'est à peu près universel..
Avoir de l'audace, oui! oser des gestes courageux, oui! mais avoir une profonde confiance en soi... qu'en est-il? il y a tant et tant de séminaires qui conduisent leur participants à trouver ou retrouver cette précieuse confiance, qui n'est en rien de la suffisance ou de l'orgueil...


vendredi 3 février 2012

Lire, encore et plus que jamais

Au fond de mon oeil rescapé mais très voilé hélas,  je garde un petit coin de clarté très focalisé, qui me permet de lire (pas longtemps), d'écrire (idem), d'aller (un peu) sur le Net
Depuis la mi aout, j'ai ainsi lu énormément!
Hier pour la première fois depuis près de six mois, je suis allée fureter dans une librairie proche de mon domicile, avec une petite liste que j'avais dressée au hasard des impressions des blogueuses-lectrices dont j'aime suivre les conseils

Je n'emprunte que rarement un livre à la bibliothèque, j'aime être la première à manipuler un livre neuf qui sent le papier neuf! J'achète mes livres quand ils sont parus en livre de poche sur un site d'achat en ligne: facile je cherche , je commande et deux jours après je reçois!

Mais pas hier: pour la première fois depuis longtemps, je me suis sentie capable de me déplacer et me suis attardée, heureuse mais fatiguée, pendant deux heures dans cette librairie à chercher dans les livres de poches les nouveautés, et les livres plus anciens recommandés par les blogueurs

Quatre livres m'ont accrochée. Achetés, vite fait!

Cependant, je suis en train de lire le Zafon: "Le jeu de l'ange"
Bon il m'accroche par moments, me semble long à d'autres et surtout il me rappelle son premier "L'ombre du vent"
Mes derniers achats de hier me tentaient tellement que j'ai failli hier soir abandonner le Zafon, puis je l'ai repris. Ce que j'aime dans ce livre un peu tiré par les cheveux, c'est que l'auteur aborde le thème du livre et de son auteur... je vais donc lui donner encore une chance et continuer un temps ma lecture
En fait, je n'hésite pas (plus) à laisser de côté un livre qui ne me plait qu'à moitié
La vie est trop courte, hé oui! Je ne m'oblige plus à rien
(J'en parlerai sans doute dans un prochain billet!)

Les 4 livres que j'ai achetés:
Purge de Sofi Oksanen (livre sombre, il paraît, tant pis...
Le voyage de Lou de M.J.Hyland
Le demi-frère de Lars Saabye Christensen
La ballade de Lila K de Blandine Le Callet

Mon choix se porte pour l'instant en priorité sur les livres étrangers. Je fais le pari que la traduction soit bien faite, ce qui n'est pas toujours le cas, hélas!

J'achèterai le dernier David Grossman, "Une femme fuyant l'annonce" (magnifique et prenant, paraît-il!), dès qu'il sera en livre de poche

J'espère que vous n'avez rien à redire à mon choix? (rires)