lundi 23 février 2015

Tous les jours...

Tous les jours, à 17h, j'enfile mon manteau, parfois un petit bonnet pour tenir au chaud ma tête aux cheveux coupés courts
tous les jours je monte quelque peu ma rue, avant de tourner à droite et marcher jusqu'au bout, pour atteindre l'arrêt du bus
tous les jours je m'applique à arriver bien à temps pour ne pas le rater et devoir atteindre dans le froid, mais parfois le bus est en avance, le vilain j'avais pas prévu ça, il me faut donc attendre le suivant! C'est long d'attendre un bus que l'on a raté!
tous les jours je descends à l'arrêt "Hôpital Saint Luc" et j'ai le coeur serré. En entrant je reçois de plein fouet cette odeur si particulière des cliniques, qui sent le médicament, le désinfectant. Je n'aime pas trop cela, cette odeur s'accroche à mes vêtements, je me retiendrai de respirer pendant deux ou trois heures...
Tous les jours je vais vers les ascenseurs et j'appuie sur le 7: c'est l'étage de la rééducation
Arrivée au 7ème, je vais doucement vers la chambre où l'homme lutte pour retrouver l'usage de ses membres, je l'embrasse et je constate combien la lutte est dure et le laisse sans forces.
Tous les jours je me heurterai à son lit, à la table, au fauteuil de rééducation: la chambre est étroite, vraiment très étroite, et ma vision monoculaire n'arrange pas les choses, j'ai plein de bleus sur les jambes et les bras
Il a pas mal de visites, donc je n'aurai pas trop l'occasion d'échanger avec lui sur ce qu'il vit de bon et de douloureux... et c'est dommage, bien sûr. Aussi bien lui que moi, nous vivons des choses riches, de celles qui nous laissent plein de gratitude
Tous les jours, je l'aide pour le repas du soir, patiemment, bouchée après bouchée, gorgée après gorgée
Parfois un des enfants a pu se libérer et c'est lui ou elle qui remplit cette tâche, avec patience, avec amour
Tous les jours, nous échangeons quelques mots, quelques sourires, quelques baisers
Et puis, comme tous les jours, je repars dans l'autre sens... c'est le soir, il fait noir...

31 commentaires:

  1. Bravo pour votre abnégation et votre courage. Je connais tout cela et je sais ce que cela représente, à la fois de dur, mais de si indispensable, car on n'envisagerai pas de faire autrement, n'est-ce pas ?

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    1. tous les jours je me répète ce que j'ai promis en me mariant: pour les meilleur et pour le pire. Ce ne sont pas des mots en l'air, bien sûr!

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  2. Un beau billet tendresse et courage... Je t'embrasse affectueusement.

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  3. La vie monotone et répétitive des longs séjours....
    le "patient" la connait bien.... (enfin, je l'ai bien connue...)
    On pense moins au conjoint/ami/compagnon/compagne qui vient fidèlement apporter l'air extérieur....

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  4. "On n'envisagerait pas de faire autrement", écrit "Bonheur du Jour". Cependant beaucoup de gens non seulement envisagent mais font autrement tellement c'est dur. Merci pour votre amour qui vous permet de demeurer ensemble dans cette immense épreuve.

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  5. Je pense beaucoup à vous. Je lis en ce moment un livre très bien écrit et traduit qui pourrait t'intéresser. C'est "La soeur" de Sandor Marai.Voici un extrait de la quatrième page:" Dans ce roman contemplatif, somnambulique et profond, Marai développe une réflexion subtile sur la maladie comme révélateur , l'impuissance de l'artiste, l'amour instrument de vie et dd mort, mais aussi le don de soi et le générosité qui sauve."
    En le lisant je ne peux m'empêcher de penser à ce que R vit et à toi aussi .

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  6. Tous les jours, obstinément, le long apprentissage de la patience dans ce monde de vitesse et d'immédiateté. On aimerait que tout se résolve d'un coup de baguette magique, mais la maladie impose son rythme à l'un comme à l'autre et le fait d'être deux à supporter offre déjà un énorme réconfort. Bon courage à tous les deux ! Le couple ne pourra que sortir renforcé de l'épreuve.

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  7. Chaque visite compte pour ton mari mais aussi pour toi. On imagine mal que cela puisse être autrement dans un couple !

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  8. Chaque jour, pendant des mois, mon père a fait la route pour aller voir ma mère, lui apporter de la soupe (parce que celle de l'hôpital n'est vraiment pas bonne) tous les jours, malgré la fatigue, la chaleur, le froid, les escaliers trop raides... Et tous les jours je l'ai entendu dire des mots de réconfort, tissant à ma mère une couverture bien chaude d'amour et de tendresse, qui l'aide à guérir peu à peu, et mon admiration a grandi, grandi, comme elle grandit pour toi, malgré le temps, les épreuves, les souffrances et les malentendus. Je t'envoie mes ondes positives et demain, j'attendrai le car avec toi (je me souviens de l'arrêt) Bisous ♥

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  9. Il y a des jours où je me demande si on ne se marie pas simplement pour avoir quelqu'un qui nous tient la main quand on va mourir.
    Ton mec a la chance de ne pas expérimenter la solitude sur son lit de douleur.
    (tu imagines un peu tous les chantages que tu vas pouvoir exercer sur lui, une fois guéri ? ;-)
    Quant au bus, le bus en avance est un scandale.
    Attendre trois minutes un bus en retard, ça va.
    Attendre vingt minutes un bus qui est passé trois minutes trop tôt peut soulever en plein hiver des envies de meurtre...
    Fais attention, sinon tu vas garder des traces sur les jambes. J'en ai gardé certaines. Alors vraiment, fais gaffe.

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  10. Patience, courage tous les jours jusqu'à l'embellie qui viendra vous récompenser tous les 2

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  11. Te lire réveille en moi de douloureux moments. L'odeur, oui, cette odeur, mélange de désinfectant, de soupe tiède et de mouillé quand il a plu, le trajet dur pour toi, moins pour moi excepté la lutte pour trouver une place dans les immenses parkings bondés, le retour le soir, dans le noir avec l'horrible impression d'être seule au monde ( l'hôpital se vide à cette heure...) à lutter même si on se fait aider. Je suis " toi" en ce moment !
    Je t'embrasse, mes amitiés à R.
    Amanda

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  12. Ah les bus ! Quand il y en a un qui s'amène, je me demande toujours si c'est le mien qui est en retard ou le suivant qui est à l'avance ! Je les suspecte d'avoir un horaire secret qui leur permet d'économiser un ou deux trajets par jour ;-)
    Je me demande également pourquoi preux n'a pas de féminin, cela t'irait si bien !

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    1. Il y a un féminin à "preux".
      C'est "preuse".
      Il ne fut accordé qu'à neuf femmes au Moyen-Âge.
      Voilà.
      Suffit de demander.

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    2. Je parlais de l'adjectif...

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  13. Mon Dieu comme ton message est touchant, j'en ai les larmes aux yeux.
    Permets moi, chère Coum, de préparer le même bientôt en écho... Papa a accompagné comme toi ma Maman, de juin 2014 à janvier 2015, il a pris le bus de 16h 15 chaque jour de chaque saison, en été, en automne, en hiver...

    Coum, "quand on fait ce qu'on peut, on fait ce qu'on doit"... Cette phrase m'a déculpabilisée de n'être présente qu'une à deux fois par semaine auprès de Maman.

    Je te souhaite plein de courage, et essaie de t'octroyer des petits bonheurs aussi en dehors de l'hôpital, pour pouvoir les transmettre à ton courageux mari.

    Je t'embrasse très fort.

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  14. Je rejoins Célestine pour te proposer, chère Coumarine, d'attendre le bus avec toi. Et puis, j'ai le temps, je fais le trajet, et le retour aussi. Tu peux nous parler, si ça t'aide un peu. Et si certains te regardent bizarrement, ne fais pas attention à eux. Ils n'ont probablement pas remarqué que tu es accompagnée.
    J'espère que les trajets te sembleront ainsi moins longs, et que le noir sera moins noir quand tu rentreras chez toi.

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  15. J'espère que ton mari reçoit de bons soins, parce que de nos jours c'est de moins en moins les soins à la personne qui comptent mais le rendement ! Si une infirmière peut s'occuper de plus de personnes qu'elle en est capable... good !... elle est performante. La qualité,... c'est secondaire. Ce sont là les conséquences du néolibéralisme ! l'être humain n'a pas beaucoup de place là-dedans. Dans ce système, la concurrence est maître, même dans le domaine des services sociaux ! kéa

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  16. J'ai connu ton "tous les jours" et je sais combien il est douloureux et aussi plein d'espoir de bonnes nouvelles.

    Je serai à tes côtés à l'arrêt de bus avec Célestine et Anne.

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  17. Ton texte est plein d'amour. Il me va droit au cœur ! Tant qu'il y a des jours nouveaux, il faut garder espoir.

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  18. C'est vrai que l'on pense bien souvent au malade mais pas à la fatigue que cela représente pour l'épouse (ou pour le mari) de venir tous les jours à l'hôpital pour soutenir l'autre et l'aider. C'est peut-être naturel, mais tellement fatigant. Je t'embrasse très fort, ma chère Coumarine, et je pense aussi très fort à toi et à ton mari. Bon courage à vous deux.

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  19. J'ai appris par un ami commun qu'il faisait chaque jour des progrès gigantesques. Génial;Bravo R. Nous viendrons la semaine prochaine ...

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  20. Not' bonne Coum'
    Les copains t'ont déjà bien encouragée, et bien sûr je fais de même, je suis de tout coeur avec toi.
    J'ai une bonne nouvelle : en Bourgogne (oui, les Kerguelen, j'y suis pas toujours...), des bandes de grues cendrées sont passées, allant vers le nord !
    Ca sent le printemps !
    Pour lui, pour toi, l'air, la lumière, tout va vous remettre en énergie et vous, comment dire ? "Pousser au cul" ?

    ;o)))

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  21. C'est beau de lire cela ! tant de gens sont seuls à l'hôpital.... ou en maison de retraite ! je vais voir ma mère le plus souvent possible... certains en semblent étonnés. Je comprends ton rituel quotidien qui te demande de l'énergie. Je pense à vous.

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  22. Juste un petit passage pour te dire que je pense à toi.
    ♥︎

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  23. Beaucoup de courage et d' amour.
    Je t'embrasse.

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  24. Bonjour chère Coumarine.
    tu es belle même dans les choses difficiles.
    Vous êtes beau, tous les deux. Je vous vois d'ici.

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  25. MERCI à vous tous...
    les nouvelles sont bonnes, quel soulagement pour moi!
    mais pas encore capable de revenir écrire ici... ça reviendra ;-)

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  26. Très émouvant ce tous les jours.
    Et heureuse que les nouvelles soient bonnes.

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